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Xavier Emmanuelli et Suzanne Tartière, co-auteurs du livre - En cas d'urgence faites le 15 - Albin-Michel. Paris avril 2015

Le 15 : un autre regard sur les Urgences avec le Dr Suzanne Tartière

Lorsque l’on compose le numéro des urgences médicales, le 15, l’appel arrive au dernier étage de l’Hôpital Necker-Enfants malades, où se situe la plateforme parisienne de régulation du SAMU. Loin des images télévisées à sensations qui portent un regard biaisé sur ce monde des urgences, le Dr Suzanne Tartière nous entraîne dans son univers, celui du médecin régulateur.

Dans son ouvrage En cas d’urgence, faites le 15 (Albin Michel), elle nous livre un témoignage qui va au-delà des anecdotes illustrant son quotidien. Elle revient sur l’histoire et les évolutions des urgences en France, auxquelles elle a largement contribué, tout en s’interrogeant et en proposant des pistes de réflexion sur la médecine de demain. Son récit est éclairé par les contrepoints historiques et éthiques de Xavier Emmanuelli, ancien ministre de l’action humanitaire, co-fondateur de Médecins Sans Frontière et fondateur du SAMU Social à Paris.

A l’occasion des Journées Portes Ouvertes de l’AP-HP, ce samedi 28 mai, les équipes du SAMU accueilleront les visiteurs à l’hôpital Necker pour présenter le fonctionnement de leurs ambulances. Ils formeront également aux gestes de premiers secours aux côtés des bénévoles de l’association FOURMI (Formation Urgence Minimum), créée par Suzanne Tartière. Après 30 années passées au service des urgences, où elle dirige aujourd’hui le pôle médico-social, elle évoque avec nous son métier qu’elle exerce avec toujours autant d’énergie, de passion, et l’envie d’aller plus loin dans la prise en charge sociale des personnes âgées.

Suzanne Tartière
Suzanne Tartière © Serge Cannasse

Les émissions télévisées nous donnent l’impression de connaître votre métier par cœur, qu’est-ce que vous souhaitez apporter avec ce livre ?

J’essaie de dévoiler la face un peu méconnue, cachée, des urgences. Le public connaît ces images montrant les interventions du SAMU. C’est notre cœur de métier, mais nous ne faisons pas que ça. Aujourd’hui, on parle beaucoup de conseils par téléphone, de télé-médecine. Nous la pratiquons depuis 35 ans de manière naturelle.

La régulation est mal connue car il n’y a pas d’images à sensation. Elle concerne surtout les personnes âgées, seules à domicile, qui craquent, qui n’en peuvent plus. Bien souvent, elles appellent pour une douleur physique alors qu’en réalité ce n’est pas le problème. Elles n’arrivent pas toujours à exprimer leur souffrance avec des « mots » alors elles le font avec des « maux ». Quand nous envoyons un médecin sur place, il s’aperçoit que c’est une sorte de visite de courtoisie. Il rompt la monotonie de la journée. Pendant un instant, le médecin s’occupe de la personne, lui serre la main, prend sa tension, la touche. C’est à la fois beau mais triste.

Au fil du temps, on constate qu’il y a de plus en plus d’appels sociaux que médicaux. Comment l’expliquez-vous ?

Le nombre de personnes âgées, vivant plus longtemps, augmente. Aujourd’hui, les enfants, eux-mêmes âgés, s’occupent de leurs parents très âgés. Franchement c’est très dur. Certains n’ont jamais pensé à demander une aide. Ils ne connaissent pas tous les circuits. Pour moi, l’appel au SAMU est un moment privilégié qui peut permettre de créer des liens vers d’autres structures.

A la lecture de votre ouvrage, on a le sentiment que vous avez une approche particulière dans la manière d’aborder ces demandes sociales ?

Au début c’était le cas. Je m’étais rendue compte de toute cette détresse. C’était inconcevable pour moi de ne pas agir. Il fallait que l’on s’occupe de ces personnes. Les mentalités ont beaucoup évolué depuis. On a pu injecter un fragment de social dans l’ADN du SAMU. Aujourd’hui, les gens nous appellent lorsqu’aucune autre structure ne répond. C’est complètement notre rôle. Nous sommes au début d’une nouvelle approche de la prise en charge.

Qu’entendez-vous par cette nouvelle approche ?

Il y a de plus en plus de gens très isolés. la canicule de 2003 a fait bouger les choses, mais il faut que l’on aille plus loin, que l’on prenne soin des plus anciens. Souvent ils ne connaissent pas ou ne savent pas demander les aides auxquelles ils peuvent prétendre. Certains ne bénéficient que de deux heures d’aide ménagère par semaine. Vous imaginez ? Deux heures ! Qu’a-t-elle le temps de faire, du ménage, les courses, une promenade ? C’est compliqué.

Heureusement, aujourd’hui, ça bouge. Il y a de nouveaux acteurs comme Voisin-âge ou encore Monalisa, qui regroupe toutes les associations engagées dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées. Le 15 est une structure qui permet de repérer, de signaler, et quand on le peut d’informer sur l’existence de ces structures d’aide. Je rêve d’un numéro de téléphone dédié au social. Peut-être que l’on y arrivera un jour mais pour l’instant non. J’aurais aimé que le 15 soit les urgences médicales de tous et le 115 les urgences sociales de tous.

Programme FOURMI - Suzanne Tartière - premiers secours urgences médicales
FOURMI – Programme de formation aux premiers secours

Pouvez-vous nous présenter votre programme FOURMI…

C’est un programme de formation simple aux gestes d’urgence pour que les gens n’aient pas peur de faire. Contrairement à certains programmes classiques trop longs et trop chargés, notre objectif est d’aller à l’essentiel de manière ludique et joyeuse. Pour l’instant, nous intervenons dans des collèges, où l’on prouve que les enfants sont bien formés en faisant court.

Le mot de la fin…

Il y a un combat à mener pour les médecins généralistes qui sont à l’avant. Ils sont mal reconnus, mal rémunérés et ont trop de charges administratives. Et pourtant, connaissant bien leurs patients, ils sont le premier rempart, celui qui permet d’avoir moins recours aux urgences.

Crédit photo (haut) : Xavier Emmanuelli et Suzanne Tartière © Bruno Charroy

Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.

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