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La bataille continue autour du Réservoir de Grenelle

Quatre ans après sa sélection lors de l’appel à projets Parisculteurs, le projet d’aquaponie sur le Réservoir de Grenelle déchaîne toujours autant les passions. Deux associations s’y opposent, soutenues par une majorité d’élus du 15ème arrondissement, tandis que l’Exécutif parisien lui apporte un soutient sans failles. Le sujet a une nouvelle fois nourrit les débats du Conseil de Paris qui s’est tenu la semaine dernière.

Il y a quatre ans…

Fin 2016, Cécile Roux, porteuse du projet d’aquaponie et de pisciculture Greeen’elle, a remporté l’appel projet Parisculteurs, dont c’était la première édition. L’exploitation doit s’installer sur le Réservoir de Grenelle, situé rue de l’Abbé Groult. Déconnecté du réseau d’Eau de Paris, il comporte deux bassins d’eau non potable d’une capacité de 6000 m3, vidés en 2018. Plusieurs réunions publiques ont suivies dans un climat houleux, en avril 2017 où une première ébauche du projet était présentée, puis en mars 2018, deux mois après la délivrance du permis de construire.

Le collectif de riverains, Respiration Paris 15, défenseur du réservoir depuis de nombreuses années, est fermement opposé à la réalisation de ce projet sur ce site. Dénonçant l’absence de concertation de la part de la mairie de Paris, il a choisi la voie judiciaire pour se faire entendre en déposant un recours auprès du Tribunal administratif aux côtés de l’association France Nature Environnement. Face au rejet prononcé par le tribunal en ce début d’année, les deux associations ont décidé de se pourvoir en appel.

Bassins du réservoir vidés de leur eau (juillet 2019)

Dans le même temps, deux vœux à la maire de Paris demandant l’abandon du projet sur ce site ont été déposés et votés par les Ecologistes du 15ème et le groupe Changer Paris lors du Conseil d’arrondissement de février 2021.

Que demandent les opposants au projet ?

La principale contestation est d’avoir vidé les bassins de leur eau pour y installer une exploitation agricole hors-sol intensive. Le réservoir, considéré par les riverains comme un îlot de fraicheur, est situé au cœur d’un quartier densément peuplé. A l’avenir, ces derniers ne souhaitent pas voir des bâches en plastique sous leurs fenêtres à la place des oiseaux migrateurs et des pipistrelles qui y avaient trouvé place.

En Conseil de Paris, le groupe Changer Paris s’est une nouvelle fois prononcé contre ce projet pour lequel le cadre choisi n’est pas approprié. Claire de Clermont-Tonnerre, adjointe au maire du 15ème, puis Philippe Goujon, maire du 15ème, ont regretté qu’un îlot de fraîcheur soit transformé en îlot de chaleur. Ils ont mis en avant les objections formulées sur la viabilité technique et économique de l’exploitation par une personne qualifiée lors d’un conseil d’administration d’Eau de Paris en 2019.

Dans leur vœu, voté lors de la séance du 9 mars, les élus demandent à la maire de Paris de suspendre le projet prévu pour 20 ans, d’engager une véritable concertation sur l’aménagement du réservoir afin d’aboutir à un vrai projet de biodiversité respectueux du patrimoine suscitant l’adhésion des habitants, des associations locales et du Conseil de quartier.

Projet d’aménagement alternatif proposé par Respiration Paris 15

Respiration Paris 15 et France Nature Environnement proposent en effet un projet alternatif d’aménagement du bassin favorable à la biodiversité et ouvert au public. L’idée est de créer des jardins flottants sur pilotis et un milieu humide en ramenant de la terre pour aménager différents niveaux d’eau propices à chaque espèce.

Le groupe Indépendants et Progressistes, par la voix de Catherine Ibled, élue du 15ème, a soutenu le vœu de Changer Paris dans un « soucis de protection de l’environnement et par respect pour les riverains qui se battent au quotidien pour leur cadre de vie. » Ce vœu a été adopté par 30 voix contre 27.

A l’inverse, associations et élus regrettent la volte-face des Ecologistes du 15ème qui ont retiré leur vœu en Conseil de Paris. Ils s’inquiétaient de la disparition d’un lieu de respiration pour les riverains, du bien-être des poissons et de la préservation du patrimoine. Ils se sont finalement rangés du côté de l’Exécutif en votant le vœu de ce dernier, Aminata Niakaté, élue du 15ème, précisant qu’ils resteraient attentifs au respect des engagements pris.

Les engagements de l’Exécutif

En Conseil de Paris, Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris, a défendu le projet Green’elle. Elle a tout d’abord rappelé qu’en 2015, dans son schéma directeur de l’eau non potable, adopté à l’unanimité, le conseil d’administration d’Eau de Paris a décidé de valoriser le Réservoir de Grenelle par un projet d’agriculture urbaine, l’aquaponie étant envisagée. L’élue a affirmé qu’il n’était pas question de dédire les votes du Conseil de Paris et du CA d’Eau de Paris, avec lequel la convention d’occupation est d’ores et déjà signée.

L’édile a ensuite indiqué que des études thermiques réalisées, notamment en période de canicule, n’ont pas montré d’effets sur la température ambiante, rejetant ainsi l’idée reçue que ces bassins seraient un îlot de fraîcheur. Elle précise également que le réservoir n’est pas un havre de biodiversité où, là encore, des études ont montrés qu’il n’y avait pas de biotope particulier, ni de biodiversité spécifique sur ce lieu.

Par son vœu, voté également ce 9 mars, l’Exécutif s’engage à garantir la réversibilité du projet, sa sobriété, sa végétalisation, favorable à l’installation d’oiseaux et d’insectes, et le bien-être des poissons d’élevage.

Vue du projet présenté au Grand Palais en novembre 2019

Florian Sitbon, élu du groupe Paris en Commun du 15ème, a salué un beau projet qui permettra la création d’emplois et la vente de paniers sur le marché Convention, aux habitants et aux restaurateurs. Il a précisé que les serres seront découvertes en été, favorisant ainsi l’évapo-transpiration des plantes dont l’humidité rafraichira l’air.

A propos des nuisances, l’élu a précisé que des mesures de niveaux de bruit ont été réalisées et seront suivies. Concernant l’intégration paysagère, il y aura une plus grande végétalisation sur les murs et la plantation d’arbres fruitiers. Les serres seront transparentes afin de voir les cultures à travers.

Si les opposants au projet sont très actifs, Cécile Roux nous a confié dans une interview que d’autres riverains sont en attente de voir le projet émerger, précisant que plus de 200 personnes étaient déjà inscrites sur sa liste d’attente. La pose de la « première pierre » avait d’ailleurs été organisé en août 2019. La mise en œuvre du projet Green’elle est une nouvelle fois repoussée en raison de l’appel du jugement du tribunal administratif émis par Respiration Paris 15 et France Nature Environnement.

Qui aura le dernier mot ? A suivre…

Photos : Réservoir de Grenelle © Respiration Paris 15

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Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.

3 commentaires

  • Bravo pour ce magnifique projet de serre aquaponique. C’est l’avenir. Projet audacieux, écologique sans engrais ni pesticides. Continuez, bon courage allez de l’avant sans vous préoccupez des grincheux. Avec mon encouragement, Sébastien

    • bonjour, avez vous compris qu’il est question de produire des « poissons » en aquaferme, ce qui va faire qu’ils seront nourris artificiellement, et c’est hors sol. les écolo n’ont jamais parlé ni vu une ferme qui fonctionne en vrai. c’est ce que je comprends de ce projet.
      par exemple dans le parc André Citroen, sur la gauche longeant la grande pelouse, il y a un espace « bassin d’eau » qui n’a jamais marché, cela fait en tout 2 ha environ, là la dame pourrait peut être y faire qq chose, mais élever des poissons avec ce système, c’est du hors sol. Dites moi ce que vous en pensez et si j’ai mal compris le projet; Merci d’avance. bien à vous.

  • C’est super de réaménager des vides urbains avec des projets d’agriculture, spécialement avec des projets fortément e’cologiques comme celui-ci.