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Exposition Marguerite Yourcenar - portrait 1 - Paris 15

Hommage à Marguerite Yourcenar

Il y a trente ans nous quittait Marguerite Yourcenar. Auteure à succès, femme libre et engagée, elle a marqué le paysage de la littérature française en devenant la première Immortelle, mettant fin à 350 ans de règne masculin au sein de l’Académie Française. En ce mois de mars 2017, la médiathèque éponyme lui rend hommage au travers d’une exposition, de lectures et de conférences. L’occasion de revenir sur le personnage hors du commun qu’était Marguerite Yourcenar.

Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenwerck de Crayencour de son vrai nom, vient au monde le 8 juin 1903 à Bruxelles. Un patronyme noble aux antipodes de la vie que l’auteur mènera sous le pseudonyme de Yourcenar. Mais pour l’heure, Marguerite n’est encore qu’une petite fille ayant perdu sa mère alors qu’elle n’était âgée que de 10 jours. Élevée chez sa grand-mère paternelle qu’elle est loin d’apprécier, elle en fera un portrait au vitriol des années plus tard dans son livre Archives du Nord.

Son enfance tout comme son éducation seront atypique. Au lieu d’être formée aux arts de la maison comme les jeunes femmes de bonne famille, Marguerite apprendra le latin et le grec. Enchaînant les voyages auprès de son père aristocrate cultivé et anticonformiste, la jeune fille apprend sur les routes : Londres – pour fuir les tumultes de la première guerre mondiale -, la Suisse, le Sud de la France et enfin l’Italie, où elle découvrira la Villa d’Hadrien.

Exposition Marguerite Yourcenar - Paris 15
Exposition consacrée à Marguerite Yourcenar

Elle validera son baccalauréat à Nice, sans jamais avoir mis un pied à l’école. Dans la foulée, la jeune femme rédige Le jardin des chimères, son premier poème dialogué. Marguerite se cherche alors un pseudonyme. Par amour pour la lettre Y et avec l’accord de son père, elle choisit Yourcenar anagramme de « Crayencour », la lettre C mise à part. Dès lors, celle qui adoptera Yourcenar comme nom officiel des années plus tard et ce, en même temps que sa nationalité américaine, ne s’arrêtera plus d’écrire.

En 1951, son roman Mémoires D’Hadrien est un succès planétaire et finit d’asseoir sa réputation. Le livre se présente sous la forme d’une longue lettre écrite par l’empereur Hadrien pour son petit fils et successeur, Marc Aurèle. Ce livre, Marguerite Yourcenar le porte en elle depuis ses voyages d’adolescente en Italie. Hadrien sera présent tout au long de sa vie, tout comme Zénon, jeune héros de l’Oeuvre au noir, au point qu’elle confessera mieux connaître ces deux personnages que son propre père.

Bien installée aux Etats-Unis, où elle vit avec sa compagne et traductrice Grace Frick depuis 1939, elle est rappelée en France en 1980 pour siéger à l’Académie Française. Première femme à pénétrer le clan très fermé des Immortels, elle n’en restera pas moins fidèle à tous ses principes, au risque de déplaire. Elle refusera de venir vivre près de l’édifice et même de porter l’uniforme vert et or comme le veut l’usage : « J’ai indiqué que je ne ferai pas acte de candidature, que je ne ferai pas de visite, que je ne m’engagerai pas à passer un temps déterminé en France.  J’ai toujours été ennemie des uniformes, alors je porterai une robe la plus simple possible mais j’espère jolie… (cette robe qu’elle espère jolie sera tout de même dessinée par Yves Saint-Laurent). Si dans ces conditions, ces messieurs sont prêts à accepter pour la première fois une femme parmi eux, je ne ferai pas à la France l’impolitesse de refuser cet honneur. »

Engagée, Marguerite Yourcenar se bat pour ses convictions, notamment la cause animale et le respect de l’environnement. Végétarienne elle prendra souvent la plume pour faire réagir les consciences : « Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l’ignorance, l’indifférence, la cruauté que d’ailleurs ne s’exercent si souvent contre l’homme que parce qu’elles se sont fait la main sur les bêtes. »

Exposition Marguerite Yourcenar - portrait 2 - Paris 15

En 1968, c’est une lettre de l’auteur qui prévient Brigitte Bardot de la cruauté du massacre des bébés phoques au Canada, et déclenchera par ce truchement une campagne mondiale de plusieurs années.

Toute sa vie, elle incarnera une figure féminine entendue et reconnue. Usant de son poids pour défendre la condition féminine, cette dernière ne se considère cependant pas comme féministe. Pour Marguerite Yourcenar, la femme est avant tout un être humain au même titre que l’homme.

Au fil des pages, le style Yourcenar se définit par une approche esthétique du langage sans un quelconque besoin de fioriture, un style épuré où la narration et le récit sont rois. Que ce soit à la lecture de ses romans historiques ou de ses mémoires autobiographiques, l’auteur se reconnaît dans l’humanisme de la renaissance, dans le sens où la curiosité universelle et la culture, nourries par les livres, y sont presque déifiées : « Je pense souvent à la belle inscription que Plotine avait fait placer sur le seuil de la bibliothèque établie par ses soins en plein Forum de Trajan : Hopital de l’âme » (extrait de Mémoires d’Hadrien).

Marguerite Yourcenar meurt le 17 décembre 1987, dans la petite ville américaine de Bar Harbor. Ses cendres sont déposées à Mount Desert, aux cotés de celles de sa compagne Grace Frick, près de la petite maison en rondins que le couple avait loué lors de leurs trois premiers étés ensemble. En guise d’épitaphe, l’auteure est encore accompagnée par l’un de ses personnages fétiches, Zénon, à qui les mots de la fin reviennent :

« Plaise à Celui qui Est peut être de dilater le cœur de l’Homme à la mesure de toute la vie ».

Zénon –L’œuvre au Noir

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Hugo Pascual

Journaliste et réalisateur diplômé, après un passage par la rédaction de Libé, je suis prêt à parcourir le monde, et le 15ème, armé de ma plume et de ma caméra pour raconter de belles histoires !

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