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Licca, la Barbie japonaise aux origines françaises, se dévoile dans une exposition

La poupée Licca est peut-être l’une des raisons qui expliquent l’amour immodéré des Japonais pour la France. Depuis leur plus tendre enfance, les petites filles japonaises sont initiées à la culture française grâce au monde créé autour de cette poupée. Si Barbie a dominé l’univers du jouet féminin en Occident, Licca remplit cet office au Japon depuis 1967.

Tout comme son homologue américaine, elle joue un rôle social, pas toujours apprécié par les parents pour Barbie, transmettant valeurs et mode de vie de la société japonaise. Lors de son passage à Paris pour préparer une exposition consacrée à Licca, qui se tiendra à la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP), nous avons rencontré Sato Toyohiko, président de la Fondation Japan Toy Culture et fils du créateur de cette poupée.

Nous sommes en Occident et la comparaison avec Barbie est inévitable. De loin, les deux poupées semblent similaires et pourtant elles ne racontent pas du tout la même histoire. Qui est Licca ?
L’univers de Licca est inspiré des mangas. Elle vit entourée de sa famille, avec ses frères et sœurs et ses parents. Sa mère, Orié, est styliste de mode. Son père, Pierre, est un chef d’orchestre français, toujours en voyage à travers le monde pour ses concerts. Licca a aussi un petit copain, même si ce n’est pas officiel, car elle n’a que 11 ans !
Solitaire et sans contexte narratif, Barbie véhicule l’idée que l’indépendance prime sur la famille. Ces deux univers marquent la différence, sur le plan des valeurs, entre Orient et Occident.

La poupée Barbie est également très éloignée de la morphologie des japonaises. Avec ses 22 centimètres, Licca mesure 5 cm de moins pour s’adapter aux mains des petites filles.

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Pourquoi ce métissage franco-japonais ?
Après la guerre, des occidentaux étaient installés au Japon. Le métissage orient-occident n’avait pas une bonne image. L’unification de la société était un enjeu. Par son histoire, Licca favorise cette ouverture à l’autre, cette acceptation de celui qui est différent.
Il y a dans le Japon des années 1960, une forte aspiration au voyage, soit aux USA, soit en Europe. La France est le pays de la Mode, de la Nouvelle Vague au cinéma. Paris est la capitale de la culture européenne pour les Japonais. Même s’il y a une forme d’admiration pour le mode de vie américain, il reste trop matérialiste. Le choix s’est porté sur la France, pour l’amour de sa culture.

Puis, en 1989, le roman autobiographique de l’écrivain anglais Peter Mayle, Une année en Provence (Nil), a rencontré un énorme succès au Japon, grâce auquel le Sud de la France est devenu très à la mode. A cette période, une nouvelle poupée est commercialisée, Hélène, la grand-mère paternelle de Licca, qui vit dans le château de Millamondo dans le Lubéron.

Au cours des années, l’univers de Licca a évolué au rythme la société japonaise…
A la fin des années 1960, le Japon connaît une forte croissance. Les pères travaillent beaucoup et sont souvent absents du foyer. Au départ, les poupées reproduisent ce mode de vie. La mère de Licca est seule pour s’occuper de la maison et des enfants.

Dans les années 1980, la société change. Les pères ont moins besoin de travailler et sont davantage présent. A cette période, la poupée Pierre fait son apparition. Elle a d’ailleurs fait l’objet d’un reportage au journal télévisé de la principale chaîne de télévision, NHK, expliquant que le papa de Licca était enfin de retour à la maison.

Quel rôle Licca joue-t-elle auprès des petites filles ?
Licca est jeu éducatif qui transmet le mode de vie familial japonais. Elle initie les petites filles au rôle de mère. Licca aide sa mère, seule au départ, à tenir le foyer, s’occuper des enfants. Au fil du temps, le rôle de la femme a évolué au Japon. Licca correspond aux profils des jeunes femmes japonaises développés autour de quatre thèmes : la mode et la beauté, l’univers professionnel, la maison et l’univers des princesses.

Dès les années 60, Licca peut avoir un métier. Elle roule en cabriolet, voiture très rare au Japon. Dès le début, elle vit dans une maison au style occidental, qui suit les évolutions et les modes de l’habitat moderne.

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Au de-là du jouet, Barbie est également prisée par les collectionneurs. Des poupées sont créées spécialement pour eux. Qu’en est-il de Licca ?
Depuis 3 ans, Licca est devenue très à la mode chez les adultes, qui ont grandi avec elle. Les collectionneurs trouvent en elle un moyen de s’échapper de la réalité. Licca incarne l’esprit « kawaii », qui signifie mignon, cool, une forme de bonheur zen et paisible.

A travers ses 50 ans d’histoire, Licca a été le témoin de l’évolution de la société japonaise. Elle résume l’esprit japonais, celui de trouver un bonheur quotidien, accessible, centré sur la famille.

L’exposition « Licca – Symbol of kawaii »

Elle présentera une centaine de poupées en trois tableaux : la culture populaire actuelle, la culture japonaise traditionnelle avec les cueilleuses de thé et le French Dream in Japan.

Dans la première section, seront notamment exposées les créations de sept élèves de la Bunka Fashion College, école de mode japonaise, fondée, entre autres, par les stylistes Kenzo et Yohji Yamamoto. Les robes seront présentées à la façon d’un défilé et les visiteurs pourront voter pour leur tenue préférée.

Le tableau français présentera, notamment, Licca vêtue d’une robe en macarons de la Maison Pierre Hermé. Une seconde poupée sera coiffée d’une tiare créée par le joaillier des familles royales Mellerio dit Meller. Le modèle original de cette tiare est présenté actuellement au Musée d’Orsay, pour l’exposition «Spectaculaire Second Empire, 1852-1870».

Organisée à la MCJP, du 6 au 17 décembre 2016, cette exposition est l’occasion de découvrir l’un des jouets les plus populaires au Japon, la poupée Licca qui fêtera ses 50 ans en 2017.

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Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.
Membre de la Société Historique et Archéologique du 15e.

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