Valgirardin.fr
Dom Juan - limbes mémoire - théâtre - patrick rouzaud - paris 15

Dom Juan en introspection dans une version épurée du classique de Molière

Dom Juan chez le psy ! Reprise à la Croisée des Chemins d’une version modernisée du classique de Molière, un an après sa création. Avec un texte épuré, débarrassé du contexte et des personnages superflus, ne ressortent que l’âme de Dom Juan et ses tourments. Rencontre avec la metteur en scène, Sonia Ouldammar.

Vous proposez un Dom Juan, version courte. Quel sujet avez-vous mis en avant ?

Sonia Ouldammar : Audrey Mas, qui a fait l’adaptation, connaissait très bien la pièce, puisqu’elle est professeure de français. Elle a cherché ce qui pouvait être intéressant dans les souvenirs de Dom Juan et retenu les personnages qui pouvaient le hanter, ses fantômes. Elle a identifié essentiellement Sganarelle, le fidèle serviteur assez proche de la morale, Elvire et les femmes, pour son côte très séducteur, le père, forcément et la statue du commandeur que l’on imagine être la mort.

Les autres personnages n’avaient pas d’importance comme ses proches, raison pour laquelle elle a volontairement enlevé les frères. Elle a également retiré toutes les scènes qui faisaient référence à des lieux, comme la forêt.

Finalement, la pièce est axée sur le profil psychologique de Dom Juan.

S.O. : Quand j’ai lu la pièce, j’ai immédiatement vu ses fantômes, ses souvenirs et donc imaginé que Dom Juan devait se confier. L’univers de la psychanalyse m’est venu tout de suite avec quatre scènes donc quatre séances avec un psy. Il représente un peu tous les personnages, essentiellement Sganarelle, le commandeur et le père.

Le psy utilise des outils un petit peu particulier, en mettant Dom Juan sous hypnose via le carillon de méditation, par exemple. Il le plonge dans une ambiance l’entraînant encore plus profondément en lui-même, pour une véritable introspection. Dans ce rapport d’homme à homme, même si le psy essaie d’être neutre, il pose tout de même des constats sur la moralité de sa vie.

Il fait travailler Dom Juan sur son rapport aux femmes, à la séduction, le rapport au père qui est un classique de la psychanalyse, sur la mort, le châtiment le plus horrible du monde. Avec un geste spontané, qu’il n’a pas vu venir, Dom Juan se suicide.

Qu’est-ce qui fait de Dom Juan un personnage moderne ?

S.O. : Grâce à l’écriture, Audrey Mas a fait ressortir l’essence même des discours de Dom Juan sur la religion, l’hypocrisie, la morale, le rapport aux femmes. Il y a des Dom Juan aujourd’hui, des séducteurs qui ont un rapport aux femmes assez « dominateur. » Le rapport au père reste une cause du mal-être d’un certain nombre d’êtres humains aujourd’hui. Il remonte souvent au père autoritaire, qui a brimé, éternel insatisfait. Comment s’arranger des règles en faisant tout le contraire de ce que l’on dit ? On est en plein dedans aujourd’hui, que ce soit du point de vue politique ou dans la société.

En faisant ressortir uniquement le discours, plus que l’histoire et le lieu, en enlevant tous les personnages superflus, la parole de Molière est plus forte avec cette écriture parfois drôle, ironique. Elle fait sourire car c’est encore tellement vrai aujourd’hui !

Finalement, vous avez créé une œuvre à partir d’une autre.

S.O. : C’est ça ! C’est ce que j’ai trouvé intéressant. Je ne pense pas que l’on ait trahi son écriture, son œuvre et ce qu’il a voulu dire. On a juste enlevé toute la romance qu’il y avait autour du propos et fait ressortir les moments forts de vérité sur ce personnage et la critique de la société.

Pari réussi pour cette mise en abîme de la psychologie de Dom Juan, interprété avec justesse et malice par un Patrick Rouzaud en pleine forme. L’acteur est également à l’affiche du Défunt de René de Obaldia qu’il a mis en scène.

Molière ou les limbes de la mémoire adapté de Molière est à voir jusqu’au 3 novembre 2019, les samedis (18h) et dimanches (15h), au Théâtre La Croisée des Chemins (43 rue Mathurin Régnier, Paris 15ème)

A lire aussi :

Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.
Membre de la Société Historique et Archéologique du 15e.

Ajouter un commentaire