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mama khan - berbère - lakota - théâtre - Khadija El Mahdi - Paris 15ème arrondissement

Mama Khan : découverte intimiste des contes et légendes des Amérindiens du Dakota

En silence, elle enfile quelques couches d’un tissu usé par le temps, une lourde perruque. Puis elle s’efface derrière le masque de Mama Khan, née des rêves et des désirs d’une enfant qui voulait qu’on lui raconte le monde. Ce masque fait d’elle une sorte de doyenne universelle, une grand-mère sage qui prend le spectateur par la main et le guide jusqu’en terre Lakota, dans la réserve de Pine Ridge (Dakota du Sud aux USA).

Mama Khan, les 13 chemins de Grand-Mère Terre est le projet d’une vie, celui de Khadija El Mahdi, comédienne et metteuse-en-scène. Mama Khan, le chant de la terre Lakota est le premier opus de cette série de 13 spectacles partant en quête des trésors des civilisations anciennes. Elle narre et chante leurs mythes, leurs croyances, leur culture dans ce magnifique spectacle envoûtant et profondément poétique, qui est à découvrir au théâtre de la Croisée des Chemins jusqu’au 28 mars 2018.

« Avant de débuter quoique ce soit, les Lakota commencent par un recentrage collectif. Ils créent l’unité par la mise à disposition des corps » indique Khadija El Mahdi, qui souhaitait que cette organisation aiguille l’intégralité de la représentation. Et le corps joue effectivement un rôle essentiel.

Le masque de Mama Khan se nourrit littéralement des récits qu’elle conte, des chansons qu’elle fredonne ou qu’elle joue à l’aide de sa flûte. Il se nourrit de ce qu’elle a vécu, vu, entendu et de ce qu’elle vient transmettre à son tour. Il se nourrit de cette vie qui l’anime, qui pulse, secoue sa voix et fait pétiller ses yeux.

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« Un masque vit de ce qui touche le comédien qui le porte. J’ai été très touchée par le chant des Lakota » précise Khadija El Mahdi, qui a passé deux mois dans la réserve de Pine Ridge. « Je voulais parler d’eux, mais ils me l’ont interdit. Alors, pour ne pas porter sur eux une vision anthropologique, j’ai choisi de dire ce qu’ils ont déclenché en moi. Comment ils m’ont bouleversée. »

Dans la voix de Mama Khan brûle une étrange passion. Son audience, autrefois public d’une petite salle du 15ème arrondissement, devient difficile à différencier d’une veillée organisée, autour d’un feu, au cœur de la nuit. Elle raconte l’enracinement des Lakota à la terre qui les porte, avant d’aborder d’autres mythes, d’autres contes.

C’est là sa mission : dire l’histoire du monde, en broder le canevas. Dans cette immense tapisserie, elle est l’aiguille qui file le savoir, qui dépeint l’histoire d’Ours Guerrier, un petit indien en quête de son identité ou rappelle comment les hommes ont appris à dire leurs sentiments et leurs émotions.

« Je n’aime pas les discours » insiste la comédienne, qui ne souhaite pas seulement raconter des mythes. « Ce qui motive ce spectacle c’est aussi le désir de poursuivre la volonté des anciens. Ils cherchent à réanimer une pulsion de vie, à lutter contre la haine de soi et la désespérance, très forte là bas. »

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Au service des multiples récits que partage avec nous Mama Khan, il y a une mise-en-scène irréprochable. Dans la pénombre et l’intimité, les jeux de lumières ajoutent sans cesse à la vigoureuse étincelle qu’allume ce merveilleux texte.

« Ce spectacle, c’est le projet d’une vie. Mama Khan, c’est un peu un double que j’ai développé, qui correspond à ma personnalité, comme le font souvent les comédiens qui incarnent des personnages de la commedia dell’arte. Je la jouerai toute ma vie ! » s’exclame Khadija El Mahdi. Avec déjà plus de 150 représentations, le spectacle a reçu, en décembre dernier, le prix P’tit Molière du Meilleur seul-en-scène 2017.

« Mama Khan n’a pas fini de voyager. Elle partira en quête d’autres civilisations, de la multitude de peuples qui se positionnent comme les défenseurs de la Terre. Il s’agit de parler du lien à la famille, à la terre, de les recréer parfois. » Mama Khan sera d’ailleurs de retour à la Croisée dès le 4 avril pour Le chant berbère de l’eau, né d’un voyage dans le sud du Maroc.

Au final, personne ne sait précisément qui est Mama Khan, parce qu’elle est qui nous souhaitons qu’elle soit. Ce qui importe vraiment, c’est ce présent qu’elle nous offre, cette communion à laquelle elle nous invite, tous. Une pièce à voir, et à revoir.

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Mama Khan, le chant de la terre Lakota, du 17 janvier au 28 mars 2018
Mama Khan, le chant berbère de l’eau, du 4 avril au 13 juin 2018

Les mercredis à 19h30, au Théâtre de la Croisée des Chemins (43, rue Mathurin Régnier)

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Vincent Nahan

Journaliste pluri-média, spécialisé en presse web

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