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Cédric Villani - mars 2019 - Librairie Le Divan - Paris 15

Entretien avec Cédric Villani, candidat déterminé à la Mairie de Paris

De passage dans le 15ème arrondissement, Cédric Villani, candidat à l’investiture pour La République en Marche à la Mairie de Paris, nous a accordé un entretien dimanche matin, 10 mars. Il était présent pour une rencontre à la librairie Le Divan à l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage, Immersion, de la science au Parlement (Flammarion). Même s’il est trop tôt pour connaître son programme détaillé, nous avons évoqué avec lui son engagement en politique, sa vision et ses ambitions pour Paris, le bilan de l’actuelle mandature et les enjeux parisiens.

Lauréat de la Médaille Fields en 2010, directeur de l’Institut Henri Poincaré de 2009 à 2017, le mathématicien Cédric Villani entre en politique à la faveur des élections législatives de 2017. Dans son nouvel ouvrage, le député LaRem de l’Essonne plonge le lecteur dans l’univers parlementaire en partageant son expérience, depuis son élection jusqu’à aujourd’hui.

Avec Immersion, vous levez le voile sur le fonctionnement de l’Assemblée Nationale. Pourquoi ?

Ecrire des ouvrages, ça fait partie de ma vie. Les plus importants sont ceux qui ont marqué des transitions, des points d’étapes dans mon parcours que j’ai souhaité partager. Immersion, aujourd’hui, est une façon de plonger le lecteur dans le monde politique. Je l’accompagne à travers la vie quotidienne d’un député. Je lui montre, par exemple, ce qu’a été ma première prise de parole comme s’il était sur mon épaule. Cette immersion est aussi celle du scientifique qui soudainement se plonge dans la vie politique. Scientifique je suis, scientifique je reste, dans mes réseaux, dans ma façon de penser, de travailler,… Je viens m’adapter dans un univers avec l’ambition d’y être plongé entièrement et de le transformer.

Que souhaitez-vous transmettre ?

Il s’agit de donner envie aux gens de s’engager, mais aussi, pour certains, de mieux comprendre ce qu’est la vie d’un parlementaire à l’heure du « député bashing ». On dit qu’ils sont déconnectés, qu’ils ne font rien, qu’ils ne sont jamais dans l’hémicycle. Quand j’étais scientifique, je travaillais comme un fou, et les gens me plaignaient. Aujourd’hui, je travaille encore plus et j’entends dire « qu’est-ce vous faite bon sang ! » Il y a un paradoxe. Il faut faire comprendre combien c’est exigent. Ce livre est une façon de partager la complexité des institutions, de l’Assemblée Nationale. Ça brille d’initiatives, mais je n’imaginais pas que son fonctionnement était aussi complexe, trop complexe parfois.

Vous y partagez aussi vos convictions personnelles. Quelle est la place de la science dans la vie politique ?

Le plus grand défi est de mettre la science au service du politique de façon plus étroite en matière de gouvernance. Quand je parle d’action publique, j’insiste continuellement sur le fait qu’elle doit fonctionner en trio et de pair : citoyens, politiques et experts. Si l’une de ces voix ne se fait pas entendre, le résultat est mauvais. Si vous avez uniquement les citoyens et les politiques, les solutions ne sont pas réalistes, vous loupez les évolutions,… Avec seulement les politiques et les experts, les citoyens ne sont pas associés, ne comprennent pas toujours. Vous vous retrouvez avec du rejet. C’est le Brexit, les Gilets jaunes,… C’est extrêmement fréquent dans notre époque. Avec uniquement les citoyens et les experts, il n’y a pas d’impact dans la transformation de la vie publique.

Aujourd’hui, vous partez à la conquête de Paris. Dans votre ouvrage, vous évoquez votre arrivée et votre jeunesse dans la capitale. On ressent une forme de nostalgie d’un certain Paris populaire qui aurait disparu.

A la fin de mes études à l’école normale supérieure, avec ma compagne de l’époque, nous avons acheté un appartement dans le 5ème arrondissement. Aujourd’hui, ce serait impossible. La valeur de ce bien a été multipliée par 6 au cours des dernières années. C’est de la folie furieuse. Quand arrive le deuxième enfant, les familles parisiennes s’installent ailleurs, dans un endroit où elles seront plus au large, plus proche de la nature, où les loyers seront moins chers. Ce mouvement est un signe de malaise du côté parisien. Ca nous rappelle aussi le lien organique très fort entre Paris et la couronne que j’ai moi-même éprouvé. J’ai 18 ans de vie professionnelle à Paris, mais aussi dix années à vivre dans la couronne, à connaître la galère des allers-retours.

Cédric Villani - Librairie Le Divan - mars 2019 - Paris 15
Intervention de Cédric Villani à la librairie Le Divan

En 2014, vous présidiez le comité de soutien de la candidate Anne Hidalgo. Quel bilan tirez-vous de son mandat ?

Je ne suis pas dans le « bashing » et il faut savoir reconnaître qu’il y a eu des réalisations, avec à son bilan, une prise de conscience de mettre les enjeux écologiques au cœur de l’action. Pour autant, la méthode n’est pas du tout celle que j’attendais. Une méthode fondée sur le clivage, les luttes, pas forcément Anne Hidalgo elle-même, mais son équipe, dans la façon dont les sujets ont été abordés et la communication. Paris, dans son action, a été de plus en plus vue comme une forteresse, qui pense a soit avant de penser aux voisins de la couronne, qui travaille sur son périmètre interne. Si on restreint Paris à juste Paris, on perd tout. Pour moi, cette idée sera clé dans la campagne. J’assume et je porterai le lien Paris-couronne de façon à voir Paris en grand.

Vous reconnaissez l’action de la maire en faveur de l’environnement. Vous la poursuivrez ?

J’entends bien reprendre le flambeau écologique et le mener d’une façon plus rationnelle, plus ouverte, plus en phase avec la modernité et dans la solidarité. Ce n’est pas normal d’avoir des communes autour de Paris qui disent « c’est bien joli de fermer les voies sur berges à la circulation. Mais nous ? » Les embouteillages que ça engendre ici et là, comment les gérer ? Il y a un surcroit de pollution par endroit. Ce n’est pas normal. L’un des enjeux majeurs de notre temps, est d’ouvrir, de décloisonner, aussi bien les barrières politiques que les idées. Je pense que ce thème sera majeur pour un Paris qui a tendance à se refermer. L’écologie du 21ème siècle doit aussi se penser avec la technologie à son service. Paris doit être à la pointe de l’innovation, son emblème.

Concernant la qualité de vie des Parisiens ? Quelles sont vos positions sur les questions de propreté, de sécurité,… ?

Il est trop tôt pour parler de programme et de projet. Les collègues de LaRem travaillent dessus. De mon côté, quelques 250 partisans, répartis en atelier, apportent leurs contributions, ainsi qu’une douzaine d’experts pour le mettre en musique techniquement.

La propreté dans les enquêtes d’opinion est un ressenti très fort et à raison. Quand on compare Paris avec d’autres capitales internationales, la propreté n’est pas au rendez-vous ici. Il faudra être intransigeant. Une grande politique de propreté passe par une organisation humaine irréprochable, revue et revisitée, une présence sur le terrain, par des solutions technologiques à niveau et dans l’expérimentation. Il faut prendre ce sujet très au sérieux.

Côté sécurité, il faut reconnaître qu’il y a de grandes inégalités dans Paris. Certains quartiers sont dans le chaos, le pire étant certainement dans le nord-est, du coté de la Chapelle, du boulevard de Stalingrad et de la gare du Nord, avec des problèmes de trafics, d’insécurité, de rapports tendus avec la police. Il y a une urgence, un besoin de reconquête extrêmement énergique. Et il y en a assez de voir la Ville et l’Etat se renvoyer la balle. Ca rend fou les citoyens, à juste titre. Ce travail est celui de l’Etat aidé de la Ville.

Quelle est votre position sur la Police municipale ?

Il y a clairement besoin d’une police municipale. Le moment est venu. Elle doit être une police de proximité, présente, assurant du lien, à l’écoute et travaillant à rétablir physiquement un lien de confiance. Il ne vous aura pas échappé, qu’après dix années à renier le concept, Anne Hidalgo a changé d’avis et pris position sur ce sujet trois jours avant que LaRem ne fasse ses propositions. Même si c’est habile, ça dit quelque chose.

Le grand débat, clivant, du moment est d’armer ou non la police. Ma conviction, qui va demander à être instruite, est qu’il faut sortir de ce débat. Pour une fonction qui doit profiter à tous, la question est mal posée. Je pense qu’il y aura besoin de personnes armées, et d’autres non. L’enjeu est de décrire les missions, la façon dont elle sera organisée, lister les tâches. La police de proximité regroupe des objectifs très différents, correspondant à des équipements différents.

Les questions de mobilité sont aussi au cœur de votre réflexion ?

Il faut prendre en compte les défis technologiques. Comment s’approprie-t-on la mobilité automatique et autonome à venir, la mobilité électrique et partagée ? Je souhaite que Paris devienne la capitale mondiale où l’on raisonne mobilité partagée. Elle est la seule solution à la fin de l’engorgement dans les villes. Le second volet est la nouvelle donne sur le partage de l’espace public. Aujourd’hui, la situation est bien plus compliquée qu’il y a seulement 10 ans, avec les scooters, qui proposent une offre intermédiaire, et surtout les trottinettes. Il faut développer le vélo, mais pas contre les voitures. Il faut travailler quartier par quartier, trouver la bonne méthode. Comment organiser et partager l’espace public, c’est toute la question.

Dans le 15ème arrondissement, la Tour Triangle revient dans l’actualité. Quelle est votre position sur ce projet ?

Paris est déjà tellement dense et le 15ème aussi. Nous avons besoin d’un peu d’air. La densification à tout prix n’est certainement pas la solution universelle. Je ne vais pas dire que je suis opposé à la Tour, mais de faire avancer un projet au forceps n’est jamais une bonne solution. C’est que le problème a été mal posé. Plus globalement pour le 15ème, j’entends de la part des Marcheurs de l’arrondissement, qu’un besoin d’espace se fait ressentir, notamment de partage et de rencontre. Ces jeunes qui ne savent pas où se retrouver, sont là à toute heure, participent au sentiment d’insécurité, au décrochage entre les générations. Nous avons besoin de travailler sur l’aménagement de l’espace public, où l’urbanisme jouera un rôle.

Nous sommes sur les terres du député LaRem, Hugues Renson, possible candidat aux municipales. Vous avez réagi récemment aux rumeurs annonçant Benjamin Griveaux comme favori pour l’investiture. Où en est-on ?

Il y a un paradoxe. Pourquoi est-il entretenu ? A chacun de se faire son opinion. Je me suis déclaré candidat à l’investiture en octobre 2018 de façon très claire, et je l’ai répété sur tous les tons. Avec Julien Bargeton, nous étions les seuls à nous être déclaré officiellement, jusqu’à récemment. Tous les autres parlent d’un intérêt, examinent les choses, réfléchissent. Pourtant, certains entretiennent l’illusion que je suis le candidat indécis, que je réfléchis, que d’autres sont partis avant moi. Je suis candidat à l’investiture et n’ai pas varié d’un iota dans ma détermination. Je ne suis ni dans le flou, ni dans les calculs. J’y travaille avec mon équipe depuis octobre. Il n’y a aucune ambigüité. Quand dans la presse, on a commencé à parler de tractations secrètes, etc,… j’ai écrit à Stanislas Guérini (délégué général de LaRem, ndlr) pour demander des règles claires sur lesquelles nous puissions tous nous entendre et ne pas prêter le flanc à la politique des chamailleries. Tout ça n’est pas mon truc.

Avec Hughes Renson, nous avons des discussions amicales et très intéressantes sur nos visions et nos positions, sur son passé et son engagement chiraquien, sur ce qu’il en a tiré, son évolution et le rôle que sa famille a joué pour lui faire changer ses lignes politiques. C’est légitime qu’il y ait des différences dans les approches et dans les profils des candidats.

Qu’est-ce qui vous démarque de vos concurrents ?

J’arrive avec un parcours de chercheur, à la carrière internationale, ayant passé son temps à nouer des contacts et à travailler sur l’inconnu, à se donner des défis et à les résoudre, à réfléchir au futur, à être tous les jours dans la souffrance pour attaquer les problèmes. C’est mon identité première. J’arrive aussi avec l’idée que la science est à mettre au contact du politique et qu’il y a énormément à faire pour les rapprocher. J’ai également une grande conscience des enjeux internationaux, avec l’écologie au premier plan, le grand défi du 21ème siècle, qui conditionne la survie de l’Humanité.

J’ai énormément fait pour la culture, en travaillant sur le contact entre science et citoyens. Cette question de mixité, de lien social, de cohésion par la culture, est majeure. Pour définir une politique, il faut des choses très concrètes, des objectifs, faire attention aux finances, avoir de la rigueur dans les appels d’offres. Petite pique au passage, ce n’est pas ce qui a caractérisé la mandature actuelle, comme on l’a vu avec les fiascos répétés. Il faut aussi proposer des choses intangibles, du rêve, donner de l’espoir et de la hauteur de vue. Je suis en politique pour agir et mettre tout ce que j’ai connu et vécu, tout ce en quoi je crois au service de la transformation de la vie publique.

A noter que Cédric Villani participera à une conférence/débat sur l’intelligence artificielle et l’inclusion, organisée par l’association DLP15 le 8 avril au Patronage Laïque Jules Vallès dans le 15ème arrondissement.

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Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.
Membre de la Société Historique et Archéologique du 15e.

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