A l’occasion des Journées Européennes des Métiers d’Art qui commencent aujourd’hui, nous nous sommes intéressés au parcours d’un artisan d’art, enfant du 15ème, Jean-Noël Turquet. Spécialiste de la Laque, il se passionne dès son plus jeune âge pour le dessin. Diplômé de l’ENSAAMA (École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art), il exerce un métier-passion, laqueur, à l’Atelier Midavaine depuis 15 ans. Ses dernières créations ont été pour Cartier et Chanel, notamment. En nous promenant dans le quartier de sa jeunesse, Jean-Noël a évoqué son parcours avec nous.
Nous nous sommes retrouvés ce jour-là dans le parc Georges Brassens, non loin de la rue de Quintinie où il a grandi. En traversant le parc, Jean-Noël nous livre quelques bribes de son enfance passée dans ce quartier.
J.-N. : Après les cours, avec mes amis nous nous retrouvions souvent dans ce parc. Non loin de là, même si c’était interdit, on se rendait dans les catacombes. Aujourd’hui l’accès est condamné depuis l’aménagement de la Petite Ceinture.
Je jouais aussi au football Porte de la Plaine, avec le club ESC15. Comme mes parents voulaient que je pratique une activité sportive et une activité culturelle, je suivais des cours de dessin.
Le dessin apparaît comme une vocation née très tôt…
J.-N. : J’allais à l’école primaire Saint-Louis, rue de l’Abbé Groult, où l’un des surveillants, Eric, était également mon professeur de dessin en CM1 et CM2. Voyant que j’aimais bien dessiner et que j’étais plutôt bon, il m’a encouragé à me former. J’ai commencé par prendre des cours dans le bas de la rue de Cronstadt. Puis, j’ai suivi des stages, proposés par la Mairie de Paris, pendant les vacances scolaires.
Au collège, c’est également mon professeur de dessin, Mme Quétier, qui m’a incité à prendre des cours le mercredi après-midi et à suivre les stages de l’Ecole des Beaux-arts pendant les vacances.
Quel a été votre parcours de formation pour faire de votre passion, un métier ?
J.-N. : J’ai passé un Bac général option Arts plastiques. Pour entrer dans une école d’art, où la sélection est drastique, j’ai été obligé d’effectuer une mise à niveau. En école préparatoire, à Sainte-Geneviève, j’ai rattrapé, en une année, trois ans d’enseignement en filière appliquée (architecture, design, peinture, couleur,…).
Je suis entré à l’ENSAAMA, où je me suis retrouvé en laque, à la suite d’une erreur. Lors de l’inscription pour la formation « Décors du mur », qui regroupent plusieurs disciplines comme la mosaïque et le vitrail, j’ai coché la case laque, alors que je souhaitais faire de la fresque. Même si je n’avais aucune connaissance dans ce domaine, j’ai été pris grâce au dessin, car laqueur est un métier à la fois physique et délicat.
J’avais un mois pour me faire une idée avec la possibilité d’aller en fresque si ça ne me plaisait pas. Finalement, j’ai aimé et je suis resté. La laque offre de nombreuses possibilités créatives et techniques. On peut travailler sur des tableaux et des objets très contemporains ou très classiques.
Alors que nous remontions la rue Olivier de Serres, pour nous rendre à l’ENSAAMA, nous croisons la route, par hasard, de son professeur, Jean-Pierre Bousquet. Artiste-laqueur, fondateur de l’association LAC-Laqueurs Associés pour la Création, il a enseigné cette discipline pendant plus de 25 ans.
J.-N. : C’est M. Bousquet qui m’a fait passer mon entretien d’entrée à l’école. Il aussi été mon professeur en première année, qui était pour lui sa dernière avant de partir à la retraite. De changer de professeurs en cours de cycle m’a permis de découvrir plusieurs techniques et plusieurs produits. Avec lui, j’ai appris a travailler la laque cellulosique, utilisée par les décorateurs du 20ème siècle et chez Midavaine. En 2ème année, c’était, entre autres, le vernis gras avec Isabelle Emmerique et la laque polyuréthane ou à l’eau avec Thibauld Mazire.
Après votre diplôme, vous avez travaillé tout de suite ?
J.-N. : Lorsque j’ai passé mon diplôme, obtenu avec les Félicitations du Jury, Anne Midavaine, était l’une des membres de ce jury. Dans un premier temps, elle m’a recruté en contrat d’apprentissage, financé par une bourse de la Ville de Paris. Pendant un an, je travaillais à mi-temps à l’Atelier Midavaine et suivais des cours en parallèle à l’Université Paris I Saint-Charles. Je suis resté chez Midavaine, où aujourd’hui, je suis le plus ancien de l’équipe.
Chez Midavaine, vous travaillez sur quels types de projet ?
J.-N. : Je travaille sur des projets spéciaux comme des panneaux créés pour et avec Cartier. La dernière réalisation est un panneau de 10 m2, destiné à leur magasin de la 5ème Avenue à New-York, qui sera installé l’été prochain. D’autres se trouvent en Chine et en Australie. Le prochain sera pour une boutique au Japon.
Je m’occupe aussi de la Recherche et du Développement, en essayant de proposer de nouvelles choses. L’idée est de créer de nouvelles matières, de nouveaux effets pour constamment monter en gamme, tout en conservant les techniques spécifiques et le style de l’Atelier. Dernièrement, par exemple, j’ai travaillé pour Chanel sur le nouveau design des tables basses de leurs magasins.
Alors que notre chemin s’arrête au croisement de la rue Convention, nous parlons de ses créations personnelles.
J.-N. : En intégrant un atelier, on doit parfois mettre son ego de côté, car on répond à des commandes avec un cahier des charges souvent très précis. L’artisanat d’art demande avant tout de la technique, et toutes ces commandes permettent vraiment de se perfectionner de façon accélérée.
Cependant j’ai réussi à me conserver un espace personnel pour des créations et des recherches pures et brutes. C’est vital pour rester ouvert, curieux et libre.
Forcément, après 15 ans dans le même atelier, créations personnelles et travaux de commandes se nourrissent l’un l’autre. Les trouvailles techniques, les recherches graphiques, les découvertes culturelles,… se mélangent.
Je réalise des panneaux ou choisis des supports comme la décoration de guitare, en hommage à mon attirance pour la musique. D’ailleurs, avec mes amis du 15ème, on avait monté un petit groupe. On répétait au studio France Percussion, en « essayant » de jouer du rock psyché et du reggae. Nos deux uniques « live » ont été commis rue de la Croix-Nivert, et ici, à ce carrefour Convention, lors de la fête de la musique.
Atelier Midavaine
L’Atelier Midavaine , est une entreprise familiale de laqueurs créée par Louis Midavaine en 1919, rue des Acacias dans le 17ème. Repris en 1969 par son fils Jacques, il est dirigé, depuis 1994, par sa petite-fille, Anne-Midavaine. Depuis plusieurs années, l’Atelier travaille quasi-exclusivement à l’International, regrettant la disparition des marchés français. Reconnu pour son savoir-faire, ses clients sont les grands hôtels comme le Georges V, les grands décorateurs ou architectes d’intérieur. L’histoire de l’Atelier Midavaine a fait l’objet d’un téléfilm de Olivier Schatsky, Quand la guerre sera loin, diffusé pour la première fois sur France 3 en novembre 2011.
Pour découvrir le travail de Jean-Noël Turquet : www.turquet.net
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