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Bal Blomet - fresque Andrew Wallas - Paris 15

Bal Blomet, renaissance d’une salle mythique

« Ce que je voudrais produire, c’est un jazz qui retrouve le côté divertissement des années 30. Pas le jazz intellectuel qui se perd parfois », déclare Guillaume Cornut, poussant la porte du 33 rue Blomet pour mieux inviter les Parisiens à (re)découvrir l’ancien Bal Nègre. C’est en effet ce mercredi 22 mars qu’a lieu l’inauguration du Bal de la rue Blomet, monument historique et culturel du 15ème arrondissement.

Ce Bal, Guillaume Cornut – qui est à l’origine de tout le projet – l’a voulu « chaleureux » et « accueillant », mais aussi « accessible. » A peine entré, le Bal de la Rue Blomet dévoile son restaurant, étalé sur deux étages pour 70 couverts. « Quand vous recevez des amis, vous les invitez à manger » lance Guillaume Cornut, un demi-sourire sur les lèvres visiblement satisfait de l’identité qu’il a su recréer entre les vieux murs du 33 rue Blomet.

Les musiciens ne se produiront cependant pas dans cette salle, qui n’a pas d’autre vocation que celle de restaurant. Pour les concerts, d’importants travaux ont été réalisés : tout un sous-sol a été creusé pour accueillir les artistes. « Durant le chantier, des street-artistes sont venus et ont réalisé de superbes fresques », souligne-t-il en montrant l’œuvre d’Andrew Wallas. L’artiste a peint sur le mur le visage de plusieurs grands noms du jazz parmi lesquels Miles Davis ou John Coltrane.

Bal Blomet - salle concert - Paris 15
Le Bal Blomet – salle de concert

Tout, dans la décoration comme dans le choix des spectacles, a pour but de ramener le public dans le passé. « J’aimerais que ceux qui assistent aux spectacles ne sachent plus trop s’ils sont là aujourd’hui ou en 1924 », confie le propriétaire des lieux en arrivant dans la salle de représentation. Construite dans des matériaux très simples (brique, métal, bois) elle « n’est pas un lieu branché » selon Guillaume Cornut mais un « endroit intemporel dans l’esprit des clubs de Brooklyn ».

Dans l’esprit des clubs de Brooklyn, parce que personne ne sait exactement ce qu’était le Bal Blomet à l’origine. Les lieux ont subi de multiples transformations et nul ne saurait dire quelle était exactement la configuration de l’époque. « L’histoire du Bal Blomet, elle est géniale », s’amuse Guillaume Cornut non sans un regard pour quelques musiciens, un peu plus bas, préparant la première comédie musicale du Bal interprétée par les Frivolités Parisiennes et dont la première aura lieu le 28 avril.

« Tout commence avec une maison construite en 1802. Fin du XIXème, on crée un hangar à l’arrière qui se transforme très spontanément en salle de bal », laquelle sera ensuite louée à différentes communautés désireuses de « faire la fête le samedi soir ». On y retrouve beaucoup d’Antillais, mais également quelques Bretons. Cependant, le Bal Blomet a aussi accueilli des meetings politiques, comme l’explique le nouveau tenancier de la salle de fête.

Joséphine Baker - Bal Nègre - Blomet - Paris 15
Affiche – Joséphine Baker au Bal Nègre en 1927

« En 1924, un Antillais veut se présenter aux élections pour devenir député du 15ème arrondissement. Il tient une réunion au Bal Blomet, mais celle-ci s’avère être une catastrophe… alors, pour retenir son auditoire, il s’installe au piano ». En plus d’être politique, l’homme est également musicien et joue de la biguine : une musique mélangeant allègrement jazz et musique des îles pour un résultat très chantant et très coloré.

« A cette époque, on cherche beaucoup à sortir de la culture ancienne qui a mené à la première guerre mondiale, on s’ouvre à de nouvelles choses », précise Guillaume Cornut, avant d’expliquer que les surréalistes ont ensuite fait du Bal Blomet leur QG, ce qui lancera la tendance. « On y trouvait aussi bien des ouvriers que des artistes : tout le monde a jeté son dévolu sur ce lieu », et les témoignages lui donnent raison puisque Ernest Léardée, chef d’orchestre du Bal, estime dans ses mémoires que plus de 1000 personnes passaient chaque soir.

C’est Robert Desnos qui baptisera le Bal de la Rue Blomet en le surnommant le Bal Nègre, après « le passage de tous les artistes des années 20, de Joséphine Baker à Sidney Bechet » sur sa scène. « Il l’appelle ainsi du fait des communautés antillaises qui venaient ici et parce qu’il découvre une musique qu’il n’a jamais entendue » explique Guillaume Cornut qui n’y voit aucune connotation raciale mais seulement une « référence culturelle ». « Il ne faut pas oublier, dit-il, qu’à l’époque le mot n’était pas employé de la même façon. On parlait souvent d’art nègre, par exemple ».

Bal Blomet - fresque - Paris 15
Le Bal Blomet – Fresque de Andrew Wallas

Déjà à l’origine, le Bal Nègre se voulait un lieu accessible et ouvert à toutes les origines, toutes les classes sociales. « C’est cette filiation que je veux vraiment retrouver », insiste le propriétaire et grand amateur de jazz qui essaye de « trouver un difficile équilibre à ce niveau pour faire du Bal de la Rue Blomet un endroit vivant qui s’inscrit dans la mémoire du 15ème arrondissement ».

Car derrière l’amour de la musique et du jazz, vient également l’amour d’un quartier que Guillaume Cornut connaît sur le bout des doigts, pour les petits lieux. « Il manquait un lieu de musique », juge-t-il cependant. « Aussi, quand j’ai appris que le Bal Blomet était à l’abandon, j’ai décidé de le reprendre. Je suis musicien moi-même, très sensible à cette période de la musique. C’est une véritable passion, ça s’est simplement imposé à moi », résume Guillaume Cornut, concédant toute la charge de travail qu’a représenté le réaménagement de ce lieu historique.

« Les briques, qui permettent une excellente acoustique, j’ai mis six mois à les trouver. J’ai acheté chaque chaise à l’unité aux puces », explique-t-il en décrivant la salle de concert, en sous-sol. « Cela fait six ans que mon architecte, Samuel Zagury, et moi même bûchons pour rendre vie au Bal de la Rue Blomet. Les travaux eux-mêmes ont duré deux ans et demi. Tout a été fait, encore une fois, pour rappeler l’esprit des clubs de jazz », ce qui saute aux yeux, d’ailleurs. La salle jouit d’un palier à l’étage avec loge, à la manière d’un théâtre. Les tables viennent embrasser et épouser la scène, créant une véritable sensation de proximité avec les artistes, comme un hommage.

Guillaume Cornut, propriétaire du Bal Blomet

Cependant, le nouveau Bal Blomet n’est pas seulement une réédition d’un lieu mythique qui a fait swinguer le tout-Paris des années durant. Guillaume Cornut a, en effet, tenu à poser sa patte. De l’architecture, puisque l’absence de photos ou d’illustrations d’époque ne permet pas de reproduire à l’identique la configuration du Bal à l’identité du lieu. Il s’agissait de faire de cet endroit un espace unique en son genre. « J’ai voulu renverser la vapeur et faire du Bal Blomet un endroit où l’on vient sans se poser la question de qui est à l’affiche. Je voudrais qu’on vienne ici pour l’ambiance, l’esprit, plutôt que pour assister à un spectacle spécifique », précise-t-il, s’appuyant sur le fait qu’il n’y a eu que peu de grandes stars sur la scène du Bal Nègre mais que le lieu reste très ancré dans l’imaginaire collectif.

Vraie différence avec l’ancien Bal Blomet : on ne dansera plus ou très occasionnellement sur place, la réglementation s’avérant trop contraignante. Mais, comme par le passé, le Bal de la Rue Blomet doit se concevoir comme une porte ouverte vers de nouveaux genres. « Comme dans plusieurs clubs New-Yorkais, la programmation est décloisonnée. On peut tout à fait imaginer un concert de rock le lundi, un concert de jazz le lendemain, un autre genre encore le mercredi… », et découvrir sans cesse de nouveaux plaisirs musicaux. Bonne soirée !

Vincent Nahan

Journaliste pluri-média, spécialisé en presse web

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