Franco-italienne et cinquième génération de couturière, Nadine Corrado a posé sa machine à coudre dans le 15ème pour y créer sa marque de haute couture. Rencontre avec cette créatrice de mode, à l’occasion des récentes Journées des Métiers d’Art.
Pourriez-vous commencer par me parler de votre enfance ? Vous n’avez pas grandi en France, n’est-ce pas ?
Malgré ce que mon accent pourrait laisser croire, je suis bel et bien française ! Mon grand-père vivait déjà dans le 15ème, c’est vous dire si j’étais prédestinée à habiter ici ! Ma mère s’est mariée alors que j’étais encore toute jeune, raison pour laquelle j’ai grandi en Italie. C’est d’ailleurs avec ma grand-mère adoptive italienne que j’ai commencé à tricoter des chaussettes.
Vous vous êtes toujours vue créatrice de mode ?
Je faisais beaucoup de choses, de la guitare, du piano mais aussi du patin à glace de vitesse à haut niveau… Mais à 6 ans, j’ai gagné mon premier concours de tricot avec des techniques très avancées. Je me rappelle de ce concours comme si c’était hier : un pull vert bouteille, encolure en V, manches raglan, dos jersey, et le devant avec un point en damier.
Et vous ne vous êtes plus arrêtée ?
Non. J’ai toujours continué à crocheter. J’étais dans une école de religieuses qui vendaient mes créations, c’est d’ailleurs ce qui m’a permis de payer mes études. Toute cette expérience engrangée dès le plus jeune âge m’a amenée à faire un test dans une grande maison de haute couture italienne, spécialisée dans le tricot très haut de gamme. A partir de là, ce qui était une passion est devenue mon métier. Et puis, vous savez, il y à cinq générations de ça, dans ma famille, les femmes étaient déjà couturières, alors ça doit être génétique !
Quand vous êtes-vous dit : « Je lance ma propre marque » ?
C’était une chose à laquelle je pensais beaucoup, j’avais besoin d’avoir ma place et de laisser mon empreinte. Je suis une grande indépendante. C’est comme pour une course ; si vous voulez conduire une formule 1, il faut prendre des risques. Alors je me suis lancée. C’était risqué mais mon moteur n’a jamais été l’argent ou la sécurité. Dans ce métier on n’est pas toujours riche, c’est assez les montagnes russes (rires), mais j’avais besoin d’être libre et que mon style soit reconnu.
Qu’est ce qui vous inspire ?
La musique. Pour moi, mes vêtements ont un son. Le type de musique que j’écoute peut beaucoup influencer mes créations, chaque musique donne une touche que je ne pourrai plus reproduire parce que la création est ancrée dans l’instant. C’est comme une transe. Parfois j’arrive à la fin du vêtement et je ne me rends même pas compte de toutes les étapes par lesquelles je suis passée pour en arriver au produit fini. On y met toute son âme en fait. L’architecture aussi m’inspire beaucoup. Je trouve que la mode et l’architecture sont assez proches ; on part d’une matière plate, les plans pour l’un, le tissu pour l’autre. Il faut imaginer une structure avec des volumes et savoir comment le vêtement ou le bâtiment va rendre avant même de l’avoir commencé.
Créer est un besoin pour vous ?
Oui ! C’est une véritable drogue. Quand j’ai une idée qui me passe par la tête ou que je la rêve, il faut que je la pose, qu’elle prenne vie. Du coup je l’ancre bien dans ma mémoire, je la croque et je la réalise.
Comment se passe le processus de création lorsqu’un client vous commande une pièce ?
Déjà, je refuse qu’un client me montre un magazine et me dise : « Je veux ça ». Je ne fais pas de copie, pour moi un vêtement doit être unique. Il doit être créé pour la personne en fonction de ses goûts et de sa morphologie, mais aussi en fonction de l’occasion pour laquelle il va être porté. Souvent les gens ne savent pas ce qu’ils veulent, alors j’essaie de les aiguiller. Il faut que le vêtement vous ressemble. Pour moi le « sur mesure » n’est justement pas qu’une question de mesures. Pour moi, chaque client est une pièce rare.
Le fait d’avoir partagé votre vie entre la France et l’Italie influence-t-il vos créations ?
Bien sûr ! J’ai une double casquette comme on pourrait dire. J’ai le style italien avec la technique française, c’est en mélangeant les deux que l’on obtient ma marque, d’où mon logo. Les initiales de la marque sont composées de trois couleurs, qui représentent le lien artistique entre la France et L’Italie. L’ordre des trois couleurs est chronologique : Bleu pour la France mon pays de naissance, Vert pour l’Italie mon pays d’adoption culturel, et Rouge la couleur commune aux deux drapeaux, qui représente les deux pays.
Nadine Corrado a ouvert sa Maison de couture en 2003, Villa Croix-Nivert dans le 15ème. Pour découvrir ses créations mode, bijoux et accessoires, rendez-vous sur son site : www.g-nadine-corrado.com
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