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Les Insoumis de l’Art moderne réhabilités

« Ils auraient les larmes aux yeux de voir ça aujourd’hui, » s’exclame avec émotion Pierre Basset.

Les œuvres de ces peintres, qu’il a bien connu pour certains, sont exposées actuellement au Musée Mendjisky-Ecoles de Paris. L’exposition consacrée à la Jeune Peinture réunit les toiles de 19 peintres, dont Buffet, Lorjou, Rebeyrolle,… pères fondateurs de ce mouvement né dans l’après-guerre, qui a connu un énorme succès auprès de ses contemporains. Oubliées depuis près de 50 ans, les œuvres de ces « Insoumis de l’Art Moderne » sont montrées au grand public, profitant aujourd’hui d’une forme de réhabilitation*.

Le couple de collectionneurs et de marchands d’art Pierre Basset et Florence Condamine, commissaires de l’exposition, ont découvert la Jeune Peinture en 1991, en tombant en amour devant une toile de Cara-Costea. Ils ont alors tout abandonné pour se consacrer à leur nouvelle passion. Après deux années de recherches et des rencontres avec les artistes, ils ont publié un ouvrage de référence sur le sujet, Les Insoumis de l’Art Moderne, la Jeune Peinture Paris 1948-1958 (Un Certain Regard).

Cette exposition, qu’ils considèrent comme « une épreuve de force », présente une soixantaine de toiles des peintres représentatifs du mouvement, né en 1948 avec le premier Manifeste de l’Homme Témoin. Les pères fondateurs sont les peintres de La Ruche, ateliers d’artistes emblématiques situés dans le 15ème arrondissement, que sont Paul Rebeyrolle, Michel Thompson, Michel de Gallard, et Simone Dat, réunis grâce au peintre Bernard Lorjou et au critique Jean Bouret. Avec le second Manifeste, en 1949, les ont rejoints Bernard Buffet, André Minaux et Yvonne Mottet.

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Exposition Les Insoumis de l’Art moderne – Paris, les années 50

Lorsqu’ils arrivent à Paris, ces jeunes peintres ont une vingtaine d’années et ne connaissent rien à l’histoire de la peinture. « Les premières œuvres qu’ils voient dans les galeries sont celles de Matisse, Picasso,… » explique Pierre Basset. « A partir de 1946, le Louvre va progressivement rouvrir ses portes. Pour ces jeunes peintres, cela va être un choc de découvrir le Titien, Poussin, Delacroix, Rembrandt,… Ils vont se dire que l’on s’est moqué d’eux dans les galeries. La grande peinture est là. Ils vont repartir du dernier grand peintre qu’est Gustave Courbet, en faisant comme si rien n’avait existé entre-temps. »

Ils entrent alors en rébellion contre la modernité. Cette modernité, qu’ils rejettent, était la réponse des grands peintres du 19ème siècle pour lutter contre l’arrivée de la photographie. Ils ont pris pour principe de « se détourner de la nature et du réel » raconte Pierre Basset. « A partir des années 1872/73, ils représentent l’impression de la réalité (cf Impression Soleil levant, de Claude Monet), donnant naissance par exemple au cubisme et à l’abstraction. La modernité est le détournement du réel dans une logique de progrès. Les peintres de la Jeune Peinture pensent l’inverse. La modernité est une permanence, qui doit rester dans le réel. La grande peinture est universelle. Elle parle de l’homme, des sentiments, de la mort, de la peur, du désespoir, de l’amour,… »

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Tête de Mort 1958 – Bernard Buffet (recto/verso) – Cadeau du peintre à Pierre Bergé lors de leur rupture

La Jeune Peinture s’occupe du quotidien et accorde beaucoup d’importance au dessin, à la matière, aux couleurs de la terre.

Cette exposition présente des œuvres fondamentales de ce mouvement très peu connu du grand public, qui a compté plus d’un millier d’artistes. Parmi ces toiles, qui pour certaines n’ont pas été montrées depuis les années 1950, figure notamment La Peste en rose de Bernard Lorjou, porte-voix du mouvement. A l’origine, elle s’appelait La Guerre bactériologique, débaptisée à la demande de l’ambassadeur américain jugeant le titre inopportun en pleine Guerre Froide.

Ces jeunes peintres, précise Pierre Basset, « voulaient témoigner contre la guerre et montrer la beauté de la vie ».

L’exposition Les Insoumis de l’Art Moderne – Paris, les années 50 est à voir au Musée Mendjisky-Ecoles de Paris jusqu’au 31 décembre 2016.

*Plusieurs expositions sont consacrées actuellement à la Jeune Peinture avec une Rétrospective Bernard Buffet au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, une exposition Paul Rebeyrolle au Musée de l’Abbaye de Saint-Claude et une exposition Bernard Buffet au Musée Montmartre.

Photo de couverture : 1949 – L’Homme témoin – Dat, Mottet, Buffet, Minaux, De Gallard, Lorjou, Thompson, Rebeyrolle © Pierre Basset

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Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.

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