Après avoir joué Amphitryon, la Compagnie Oghma revient au Théo Théâtre avec sa nouvelle pièce, Cendrillon et autres contes, tirée des récits de Charles Perrault. Le spectacle allie magie, féerie et théâtre baroque pour ravir les petits comme de grands.
« Il était une fois… » amorce l’un des comédiens, dont la silhouette se détachait doucement derrière l’écran de toile, au fond de la scène. Toute l’estrade demeure plongée dans l’obscurité, seulement éclairée par une petite lanterne ouvragée. La lumière qui filtre à travers les ornements de fer noir dessine d’étranges arabesques sur le visage maquillé du narrateur. Lentement, il allume les multiples bougies, disséminées le long du plateau. Sa voix chante les mots de Charles Perrault, baroque, alors que deux autres figures se dégagent de la pénombre. Ici, une jeune enfant toute de rouge parée, jouée par Elsa Dupuy, et là un homme aux immenses moustaches, à l’image de celles d’un loup, drapé dans un imposant costume. Il est incarné par Ulysse Robin.
Devant une audience composée aussi bien de jeunes enfants que d’adultes déjà rompus aux contes de Charles Perrault, le narrateur – interprété par Charles di Meglio – raconte la triste histoire du petit Chaperon Rouge. Puis, interviennent les protagonistes de cette histoire, quand le conteur leur donne la parole. Peu à peu, le récit progresse, suivant le parlé mélodieux des comédiens qui s’expriment dans un français ainsi qu’il était dit au XVIIè siècle.
« Ma mère-grand, que vous avez de grands bras ! » Commence le petit Chaperon Rouge. « C’est pour mieux t’embrasser, ma fille », poursuit le Loup, alors que ses longs bras saisissent la petite et viennent doucement tirer sa grande cape rouge. L’assemblée entière retient sa respiration tandis que gronde la voix de l’animal avant qu’il ne dévore la petite. Puis, le narrateur s’avance au devant de la scène et énonce les moralités ainsi qu’écrites dans le texte original de 1697.
« Nous voulions montrer et mettre en avant la place de la femme dans les contes », indique Charles di Meglio. Il s’agit selon lui d’un sujet important dans la mesure où « nous sommes conditionnés par ces contes. Ils transmettent une vision de la femme aux enfants qui vient nécessairement influencer la perception qu’ils en auront à terme. A plus d’un égard, cette vision est archaïsante. » Chacune des œuvres jouées avec talent par les comédiens souligent cette image de la femme que renvoient les contes. « En un sens, le Petit Chaperon Rouge peut être interprété comme une forme de culture du viol. D’autres contes traitent de l’hystérie dont sont victimes les femmes ou de leur trop grande curiosité » résument les comédiens.
La pièce, constituée de quatre contes tirés des écrits de Charles Perrault, jouit d’une mise-en-scène toute particulière, qui fait en partie son sel. Adaptée au format des quatre histoires, mais également à celui du conte en général, elle fait voyager et empreinte à de nombreuses formes d’art étranger comme le kabuki japonais, très utilisé pour les costumes. Quand sur scène arrive Barbe-Bleue, armé de son sabre, un certain exotisme entraîne toute la salle dans un voyage jusqu’aux confins de la géographie connue de l’époque.
Ces contes narrés sur les planches gardent tout le charme et toute la force qu’on leur connaît. En vérité, ils y gagnent même puisqu’ils sont par essence très théâtraux ! Les textes de Perrault sont ciselés, travaillés comme la parure d’un bijou. Ils sont profondément vivants et comportent leurs moments dramatiques. « A l’époque, les gens lisaient le plus souvent à haute voix. Les textes de contes ont été écrits pour pouvoir être déclamés. Dans notre lecture contemporaine, silencieuse, nous avons perdu le côté théâtral inhérent au conte » explique Charles di Meglio.
Le passage d’un conte à l’autre, et logiquement d’un univers à l’autre, est très réussi. Les trois comédiens virevoltent entre les rôles, les costumes, les gestuelles et les attitudes. Mais, ils commencent toujours par le traditionnel « il était une fois ». « Dire les textes des fables est quelque chose de plaisant… mais raconter un conte ; c’est véritablement magique » jubilent les interprètes. Une magie du conte qui semble également s’emparer des petits comme des grands venus assister à la pièce.
Dans le public, les enfants s’inquiètent pour le petit Chaperon Rouge ; trouvent refuge dans les bras de leurs parents quand s’énerve Barbe-Bleue, s’émerveillent devant la transformation de Cendrillon et s’amusent des mésaventures de la femme de Blaise dans Les Souhaits Ridicules. « Les contes, en récit comme au théâtre restent universels », rappelle Elsa Dupuy qui joue également Cendrillon.
L’équilibre entre les comédiens et leur complicité apparente renforce la féerie de la mise-en-scène autant que ne le font les utilisations ingénieuses de la salle, les changements de costumes éclair ou l’éclairage à la bougie, qui varie tout au long de la pièce. Sans oublier l’aspect baroque, qui couronne le spectacle. Remontant le temps pour les spectateurs, il participe à l’esthétique globale de la représentation, en fait la musique et envoûte le public attentif.
La Compagnie Oghma présente une nouvelle pièce, Les Fables, de Jean de La Fontaine, au Théo Théâtre (20 rue Théodore Deck) du 13 janvier au 24 mars 2018.
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