Friedrich Marius Franck, fils du renommé et décédé poète Karl Amadeus Franck, doit présenter sa première œuvre au public. Ce qui, aux yeux de tout son entourage, semble être prétexte aux festivités, est un véritable poids pour lui. La Compagnie Etincelle revient pour la seconde fois sur la scène du Théo Théâtre présenter l’unique adaptation de la pièce de Stefan Zweig, Légende d’une vie.
Sur les épaules de Friedrich pèsent l’ombre d’un père, les attentes d’un univers mondain qui le juge déjà à l’aune d’un succès passé. Or, il ne souhaite pas vivre sa vie en fonction de celle de son illustre paternel. Désir de s’affranchir, besoin de reconnaissance, envie de retrouver un peu d’humanité dans un père qui a perdu toute aspérité, sont tout le propos de la pièce.
Comportant sept personnages à l’origine, Caroline Rainette, metteuse-en-scène et comédienne, a réécrit le texte, qui selon elle souffrait parfois de lourdeurs. Elle l’a condensé et a retravaillé les personnages. « J’ai voulu dynamiser le récit, le moderniser et surtout l’axer davantage sur Friedrich, le protagoniste. Avec autant de personnages et de répétitions, la trame narrative était beaucoup plus diluée. Je voulais aller à l’essentiel » précise-t-elle.
« Le texte que nous jouons reste celui de Stefan Zweig » poursuit Caroline Rainette. « Je l’ai essentiellement réorganisé et réattribué aux deux personnages de notre pièce, Friedrich et Clarissa. Maria et Klopfer interviennent également, en tant que voix off. Patrick Poivre d’Arvor nous a d’ailleurs prêté sa voix pour l’occasion. Dans la pièce originale, Clarissa, est la demi-sœur de Friedrich. Elle souffrait d’un manque de profondeur, c’est pourquoi je l’ai modifiée. Elle est maintenant la fusion de plusieurs autres personnages présents dans la pièce originale » raconte la comédienne, qui incarne Clarissa sur scène.
Ce personnage, continue d’évoluer tout au long de ce huis-clos. « Elle est désormais la biographe de Karl Amadeus Franck et connaît tout des secrets de famille. Cependant, elle est contrainte au silence ou au mensonge. Jusqu’à ce qu’elle craque… et révèle tout à Friedrich. Cela fait d’elle le personnage à travers duquel explose la vérité » poursuit Caroline Rainette.
Friedrich, en revanche, est resté plus proche de son matériau d’origine. Il est incarné avec talent par Lennie Coindeaux et porte sur ses épaules un poids que beaucoup d’enfants peuvent comprendre, selon lui : « Il a touché quelque chose en moi, de l’ordre de l’intime. Je ne pense pas m’avancer beaucoup, d’ailleurs, en disant que de nombreux garçons devraient pouvoir se reconnaître en lui du fait de son rapport avec son père. »
Les deux comédiens s’appuient sur une mise en scène imaginée tout spécialement pour le Théo Théâtre. « Cela a joué sur les décors, par exemple, mais aussi sur la façon dont nous avons pensé l’éclairage de la salle. En jouant avec la lumière, il est possible d’adapter efficacement l’environnement » indique Lennie Coindeaux.
« La taille de la salle influe également sur notre façon de jouer, de nous mouvoir, de placer notre voix. Sur un petit plateau comme ici, il n’y a plus vraiment de quatrième mur. Nos spectateurs deviennent aussi acteurs, d’une certaine façon ! » Cette intimité partagée avec le public « fait partie de l’ADN de la compagnie » renchérit Caroline Rainette.
Loin de se contenter d’accueillir le récit, le plateau devient lui aussi acteur, avec par exemple une toile dressée au centre de la pièce. « Notre version de Légende d’une Vie ne compte que deux personnages. Pour pouvoir faire intervenir certains des plus cruciaux pour le développement de l’intrigue, nous avons opté pour le cinéma, projeté sur le rideau » explique Lennie Coindeaux. Le choix d’une vidéo d’époque, avec son cachet et son grain, pour leur permettre d’exister et d’interagir avec la trame du récit, donne selon lui une certaine teneur au spectacle. À raison.
Légende d’une vie de Stefan Zweig est à découvrir au Théo Théâtre (20 rue Théodore Deck) les dimanches à 17h, jusqu’au 25 mars 2018.
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