Ludwig, le roi perché narre le récit du 14ème roi de Bavière, dans une pièce servie par un jeu d’acteur impressionnant et une mise-en-scène travaillée.
« Ne subis pas les règles, petit prince : apprends à les contourner » déclare Elisabeth d’Autriche et de Hongrie à son cousin, Ludwig II de Bavière dans le drame historique écrit par Olivier Schmidt, qui sera joué au Théo Théâtre à partir du 13 octobre 2018. Pourtant, le jeune prince décidera de ne pas se préoccuper des interdits et les brave plutôt que de les éluder.
La pièce brosse le portrait du roi de Bavière, de son ascension vers le pouvoir jusqu’à son décès, dont les circonstances demeurent floues. L’intégralité de l’œuvre est portée avec talent par le jeu de cinq comédiens. Julien Hammer incarne Ludwig, le roi perché, fantasque et ivre de grandeur. Follement épris de Richard Wagner, joué par Rafael Vanister, dont il est d’ailleurs le mécène, il refuse de se plier aux contraintes que lui imposent les carcans de son rôle et de son époque. Le désir de liberté qui motive le prince, puis roi, de Bavière le rend profondément humain tant il lui est difficile de le vivre pleinement. Sa mère, sa cour mais aussi son peuple voient en lui un fou immature et déraisonné. Tous n’ont de cesse de l’enfermer dans cette cage qu’il persiste à vouloir fuir. « Nous voulions rendre hommage à Ludwig, mais aussi porter un message de tolérance. Il s’agit d’un personnage profondément avant-gardiste, fantasmagorique et qui devient fou parce qu’on l’y a poussé : on a voulu le rendre fou », indique Olivier Schmidt, auteur du spectacle et qui, sur les planches, endosse le rôle de Richard Hornig, écuyer et amant de Ludwig.
La représentation débute dans la fumée, face à une scène plongée dans l’obscurité. Peu à peu, la lumière vient doucement éclairer les deux hommes présents, Ludwig et Wagner, et s’avère annonciatrice de leur relation. Les mots fusent, la détresse et le désarroi du jeune roi sont palpables. Le jeu de Julien Hammer et le texte d’Olivier Schmidt traduisent avec justesse les émotions qui traversent un homme vulnérable… dépendant même. En dépit de tous les pouvoirs dont il semble disposer.
Alors que les deux hommes relisent l’histoire de Bavière ainsi que Ludwig l’a marquée, le spectateur est happé par le huis-clos et assiste, impuissant, aux trahisons, aux mensonges et aux désillusions, mais aussi aux amours du roi et de son entourage. Elisabeth d’Autriche, représentée par Charlotte Moineau, est l’un des rares soutiens réels de Ludwig, qu’elle surnomme affectueusement « petit prince ». La complicité entre les personnages est évidente, naturelle, touchante. Leur affection, spontanée, saisissante et parfois ambiguë. L’alchimie du duo fonctionne à merveille et complète remarquablement la relation qui lie Wagner et son bienfaiteur. La chute est d’autant plus brutale que cette symétrie des relations est réelle et viendra influencer définitivement le roi.
Le jeune roi ne trouve réellement le répit qu’auprès de sa cousine, l’impératrice, et de son amant tous deux sincèrement attachés à lui. Pourtant, ils sont loin d’être les seuls que Ludwig fréquente et côtoie. Les scènes où il fait face à sa mère interprétée par Séverine Wolff ressemblent à de véritables joutes où les passes d’armes s’improvisent à coup de répliques piquantes, désagréables voire cyniques. Le rythme du texte et la performance des comédiens en font des moments privilégiés et très agréables à observer autant qu’à écouter. Elles illustrent parfaitement la mégalomanie d’un Ludwig qui se croit fils de dieu et persiste à se sentir incompris de tous. Les traits d’esprits et les duels de verbes que mène Ludwig tout au long de l’œuvre nourrissent assurément le dramatique de l’histoire tant ils contribuent à le séparer peu à peu de ceux qui se soucient de lui.
La tension du spectacle est renforcée par une mise-en-scène léchée, qui joue sur plusieurs tableaux. « Le huit-clos de cette œuvre en fait sa force, il permet une grande proximité avec le spectateur. C’est en grande partie ce qui fait le sel du spectacle : nous pouvons et nous voulons emmener le public avec nous, à la rencontre de Ludwig », décrit Olivier Schmidt. Selon lui, « jouer la pièce dans une salle trop grande lui ferait perdre en intensité ». Et, indéniablement, c’est là un spectacle intense. Cette version romancée, « fable historique » de l’histoire de Ludwig II de Bavière fait appel à un huit-clos puissant, des jeux de lumières et de sons pour servir un final tantôt magistral, tantôt brutal. Un spectacle à voir et à revoir, pour en apprendre sur Ludwig, pour s’inviter soi-même à davantage de tolérance ou tout simplement pour le plaisir.
Jouée à l’automne 2017 au Théâtre de la Croisée des Chemins, la pièce Ludwig II, le roi perché est nommé aux P’tits Molières 2018.
Elle sera à l’affiche du Théo Théâtre du 13 octobre au 22 décembre 2018 (20, rue Théodore Deck – 75015 Paris).
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