Un édifice entre modernité et tradition
L’immeuble écologique qui verra bientôt le jour rue Castagnary associera la modernité à la tradition. Cet édifice, avec sa structure en bois et sa façade végétalisée, répondra aux problématiques environnementales actuelles. Parallèlement, ce nouvel espace intégrera en son sein l’un des établissements des bains-douches qui fleurirent à Paris dans les années 1930.
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Si le bâtiment des bains-douches de la rue Castagnary a ouvert ses portes en 1932, le projet portant sur sa construction date au moins de 1921. Le mémoire du conseil municipal du 21 décembre 1921 se focalisant sur la création de nouveaux établissements balnéaires municipaux indique que « seul le terrain sis à l’Angle de la rue Castagnary et de la rue Saint Amand a été jugé favorable pour l’édification des bains-douches » et ajoute plus loin dans le texte qu’il « rendrait des services incontestables dans le quartier de Saint Lambert, à proximité des abattoirs de Morillons et des ateliers des chemins de fer de l’Ouest. »
La douche encore marginale au début du XXème siècle
En effet, à cette époque le quartier de Saint-Lambert comptait une population ouvrière vivant dans des habitations à bon marché (HBM) qui remplacèrent progressivement les taudis insalubres à proximité des anciennes fortifs. Malgré une amélioration du niveau de vie, certains appartements n’étaient pas encore pourvus d’une salle de bain. Ces logements, bien que disposant de l’eau et du gaz, ne possédaient pas systématiquement d’un espace privé dévolu à l’hygiène corporelle.
Des logements sociaux comprenaient quelques douches communes (et payantes !), mais très peu de locataires les employaient au début du XXème siècle. En 1905, par exemple, la fondation Lebaudy rue de la Saïda enregistre une seule ablution dans l’année par personne. Si les gens se lavaient, ils n’avaient pas encore l’habitude d’utiliser une douche pour leurs soins corporels quotidiens.
Après la première guerre mondiale, nous observons en revanche un changement dans les mentalités. Il convient désormais de construire des espaces dévolus à l’hygiène dans les futures habitations à bon marché, ainsi que des bains-douches publics à proximité des logements sociaux déjà existant qui ne disposaient pas d’installations sanitaires.
S’agit-il de la conséquence d’une longue évolution des mentalités ou du fruit de campagnes informatives ? Autre hypothèse n’excluant pas les autres : l’armée aurait contribué à populariser l’usage de la douche, du moins en théorie. Un manuel militaire du fantassin de 1914, dans la catégorie hygiène, précise que le soldat doit « assister aux douches ou aux bains à chaque fois que c’est possible », c’est-à-dire durant les rares moments où il n’est pas dans l’enfer des tranchés, comme nous pouvons le voir sur cette photographie nommée à des fins de propagande l’hygiène au front. Seules les lignes arrière pouvaient bénéficier d’un tel soin.
Un édifice à la fois conformiste et atypique
Quelles qu’en soient les raisons, en 1922, le conseil municipal parisien confia à l’architecte Charles Heubé la charge de se rendre en Alsace-Lorraine, alors un modèle en termes d’établissements balnéaires. Sa mission ? Établir un programme-type pour l’élaboration de piscines et bains-douches à Paris.
L’année suivante, la sixième commission sur le programme d’édification de piscines et bains-douches constate le retard parisien dans le domaine. De nombreux projets se concrétisent dès-lors, dont celui de la rue Castagnary. Suite à moult tergiversations et réajustements budgétaires, la construction des bains-douches rue Castagnary débuta en 1930. L’inauguration eut lieu le 25 juin 1932. Un article du petit parisien du 26 juin 1932 précise que l’établissement est « appelé à rendre les plus grands services à la population laborieuse du quartier de Saint-Lambert ».
L’architecte Gaston Lefol nous livre avec cet établissement un bel exemple de l’architecture art deco des édifices municipaux des années 1930. En témoignent les mosaïques et les briques rouges de calepinage qui ornent également les façades d’immeubles, d’établissements balnéaires et scolaires dès le début du XXème siècle. En attestent l’école maternelle 22 rue Sextius Michel, édifiée en 1912, ou encore les bains-douches Saint-Merri au 18 rue du Renard (4ème arrt.).
L’édifice rue Castagnary se démarque cependant par son plan original en forme de flèche à l’angle de deux rues. Les 56 cabines, 28 pour les femmes au rez-de-chaussée et autant pour les hommes à l’étage, occupent l’espace à l’arrière du bâtiment.
Ces bains-douches se distinguèrent également par leur fréquentation importante. Des comptes-rendus de bulletins municipaux de novembre 1946, puis du 05 avril 1949, évoquent une proposition d’agrandissement du lieu, en y ajoutant un étage. Si ce projet n’a jamais vu le jour, il témoigne de la popularité de l’édifice qui, du 1er janvier 1945 au 31 mai 1945 a reçu 65107 usagers, soit 431 par jour.
La fin de l’établissement, mais pas de l’édifice
Selon le bulletin municipal du 30 novembre 1954, l’édifice est déficitaire après la seconde guerre mondiale, certainement à cause du développement de la salle de bain dans les appartements. Toutefois, l’établissement balnéaire n’a fermé ses portes qu’en 2011, après une brève interruption de 2004 à 2009. Un collectif d’artistes La Main a ensuite occupé les locaux des anciens bains-douches jusqu’en 2017.
Un nouveau chapitre de l’histoire des bains-douches rue Castagnary va bientôt voir le jour. Quel sera l’avenir de cet édifice, porté à la fois sur le passé et le futur ? Une seule chose est certaine : l’histoire du lieu ne fait que commencer !
Sources (vous pouvez contacter l’auteur, via les commentaires, pour obtenir les liens) :
Sur Gallica : Mémoire du conseil municipal de la ville de Paris du 21 déc. 1921 / Sixième commission sur le programme d’édification de piscines et bains-douches, Paris 1923 / Le Petit Parisien du 26 juin 1932 / Comptes-rendus des bulletins municipaux de la ville de Paris de novembre 1946 / Compte-rendu du bulletin municipal de la ville de Paris du 05 avril 1949
Ailleurs sur internet : Bodelec C. :« L’épopée des habitations bon marché ou le défi de l’hygiénisme » / Triboux P. : Strasbourg, Colmar, Mulhouse : les programmes de bains municipaux en Alsace au début du XXe siècle. Une politique volontaire d’hygiène publique. / A.P.U.R : Les Habitations à bon marché de la ceinture de Paris : une étude historique / Manuel Militaire du fantassin, Finistère 1914
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J’aime beaucoup vos histoires de notre histoire locale. Merci le Valgirardin !
Merci à vous pour votre commentaire !:-) J’espère que vous apprécierez tout autant les prochaines histoires !
Alexandre
Merci pour cet article fort intéressant et bien documenté.
Merci pour ce commentaire motivant et encourageant!
Alexandre
merci pour cet article , j’ai une question : Es que , il y a eu des modifications des bains douche ? ( modification dans la fonction )
Bonjour,
Oui la fonction des bains douches a été modifiée. Après plusieurs mois de travaux, le bâtiment accueille des bureaux sous la forme d’espaces de coworking. Sa partie arrière a été démolie afin de construire un immeuble d’habitation. Pour en savoir plus rendez-vous ici : Logements et bureaux, nouveaux usages pour les Bains-Douches Castagnary
Bien à vous,
La Rédaction
Bonjour,
Merci pour cet article fort intéressant.
Je suis à la recherche de photographies (ou représentations) des bains-douches Castagnary et du quartier Saint-Lambert (dans les années 30, puis 50-60 et enfin 80). Savez-vous où je pourrais trouver ces informations ? Merci. Bien à vous.