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Histoire église Saint-Lambert - village Vaugirard - paris 15 eme arrondissement

L’église Saint-Lambert et le village de Valgirard

Ce dessin au crayon représente la première église de Vaugirard (1851. L. Leymonnerye – Musée Carnavalet, Paris) qui se dressait à l’emplacement de l’actuelle place Henri Rollet. Ce lieu de culte, édifié en 1342, nous renvoie au passé médiéval du XVème arrondissement.

Plan Paris village Vaugirard 1744 - (c) Rochefort - Bibliothèque du Congrès Washington DC
Plan de Paris et de ses faubourgs, détail du village de Vaugirard, 1731 © Roussel / Bibliothèque du Congrès, Washington D.C.

D’un val à un autre…

En l’an de grâce 558, l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés voit le jour. Parmi les terres concédées au domaine religieux, se trouvent celles du fief d’Issy. Le domaine isséen possédait, au nord, quelques riches pâturages où paissaient de gras bovins. Cette terre verdoyante, constituée majoritairement d’étables, portait initialement le nom de Vauboistron, ou Valboistron. Ce toponyme pourrait signifier en latin « le val des étables de bovins », ou simplement le «val [du sieur] Boistron ».

Des siècles durant, Valboistron comprenait des pâturages, des vignes le long de coteaux vallonnées et des moulins aux points culminants. En atteste le plan de Roussel, présentant les terres agricoles dont pouvait jouir l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés en ce lieu.

Ruine de la vieille église de Vaugirard (c) Flamen - 1620. Musée Carnavalet, Paris
Ruine de la vieille église de Vaugirard (la chapelle privée de la maison de convalescence des moines de Saint-germain ?), v. 1620. © A. Flamen / Musée Carnavalet, Paris

Cependant, Valboistron ne se composait pas uniquement de champs. Gérard de Moret, abbé de Saint-Germain-des-Prés semblait apprécier la quiétude du val. Il y édifia en 1256 ou 1258, une maison de convalescence destinée aux clercs de son abbaye. Ce domaine, comprenant des jardins et une chapelle privée, avoisinait les actuelles rues de Vaugirard, Dombasle, Olivier de Serres et Fourcade. Grâce à ce manoir, le hameau se développa. Afin de rendre un hommage particulier à l’abbé Gérard de Moret, à l’origine de cette impulsion, les habitants renommèrent le lieu Val de Gérard, ou Valgirard.

Une lutte d’influence

Valgirard dépendait cependant de la paroisse d’Issy. Les habitants du val devaient parcourir un long chemin pour assister aux messes dominicales ou aux célébrations religieuses. Un fidèle demeurant près de l’ancienne rue des Vignes (Dombasle) marchait le long d’un sentier boueux pendant environ 45 minutes pour parvenir jusqu’à l’église paroissiale de Saint-Etienne d’Issy.

En hiver, la neige et le froid constituaient des problèmes supplémentaires. Cet éloignement des Valgirardins de la paroisse isséenne constituait un véritable problème quand il s’agissait de baptiser des nouveau-nés ou d’accorder dans l’urgence les derniers sacrements aux mourants. Pour ces raisons, les habitants de Valgirard souhaitaient disposer de leur propre paroisse au sein de leur humble bourgade.

En 1342, Jean de Précy, abbé de Saint-Germain-des-Prés, vendit l’une de ses terres aux Valgirardins. Les habitants du val y édifièrent un modeste lieu de culte, initialement consacré à la Vierge-Marie.  Toutefois, cet édifice n’était qu’une simple chapelle qui ne pouvait disposer d’un curé. Les habitants de la bourgade dépendaient donc toujours de la paroisse d’Issy.

gisant de Matifas de Bucy - (c) Giogo (Wikimedia Commons)
Détail du gisant de Matifas de Bucy, évêque parisien inhumé à Notre-Dame de Paris en 1304 et parent de Simon de Bucy dont il est question dans ce texte. © Giogo (Wikimedia Commons)

Les choses évoluèrent en 1344, grâce à l’intervention de Simon de Bucy (ou de Buci). Cet illustre personnage, premier président au Parlement de Paris, appartenait à une importante famille de notables parisiens et détenait une propriété à Valgirard. Souhaitant certainement étendre son influence, ou du moins limiter celle de la seigneurie ecclésiastique de Saint-Germain-des-Prés, Simon de Bucy se posa en défenseur des habitants du val.

Plan Paris et faubourg 1744 - (c) Rochefort - Bibliothèque du Congrès Washington DC
Plan de Paris et de ses faubourgs, 1731. © Roussel / Bibliothèque du Congrès, Washington D.C. Sur ce détail de la carte, nous pouvons observer l’ancienne église de Saint-Lambert, symbolisée par une croix. Nous y découvrons également le cimetière paroissial.

En effet, Simon de Bucy usa de sa notoriété pour que la chapelle Notre-Dame de Vaugirard acquière le statut d’église paroissiale dotée d’un cimetière et d’un curé. Simon de Bucy agissait-il en sa qualité de seigneur protecteur de Vaugirard ou obtint-il ce titre à la suite de ce coup d’éclat ? Les sources diffèrent à ce sujet. Cependant, Simon de Bucy finança lui-même l’agrandissement de l’église et y fut inhumé en 1350 ou 1369. La victoire s’avérait moins prestigieuse pour les aimables jacques du bourg de Valgirard. Tous les ans, ces derniers devaient verser une rente de 10 livres Parisis auprès du curé d’Issy en guise de dédommagement, ainsi que le double de cette somme à leur propre clerc pour qu’il puisse subvenir à ses besoins. Les Valgirardins s’acquittèrent tant bien que mal de ces paiements jusqu’à la Révolution, pour une juste cause…

martyr de Saint-Lambert - Musée d’art religieux et d’art mosan, Liège
Le martyr de Saint-Lambert, panneau peint du XVème siècle. © Anonyme / Musée d’art religieux et d’art mosan, Liège

Un Saint très sain

Au XVème siècle, Notre-Dame de Valgirard connu son heure de gloire. D’abord agrandie vers 1400, l’église reçue en 1453 des reliques de Saint-Lambert de Maastricht, sans doute don de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Cet évêque sanctifié intercéderait auprès de Dieu pour soigner certaines maladies. Dès lors, Notre-Dame de Valgirard devint un lieu de pèlerinage. Moult fidèles affluaient depuis Paris vers l’humble bourgade du val, espérant guérir miraculeusement de leurs maux au contact des saintes reliques. Les murs du lieu de culte se retrouvèrent parsemés d’ex-voto de croyants qui remerciaient Saint-Lambert pour leur prompt rétablissement.

En cette ère de prospérité, l’église se dota en 1478 d’un riche missel honorant Saint-Lambert et mettant en avant son rôle de guérisseur. L’ouvrage relate en effet un épisode au cours duquel l’évêque aurait changé un marais putride en une source aussi pure que limpide. L’œuvre est désormais conservée à la BNF (cote : latin 835, anciennement Regius 4211). Le site archivesetmanuscrits.bnf.fr nous livre cette description de l’ouvrage : « Initiales en couleur à filigranes, quelques-unes peintes sur fond d’or et à antennes, une historiée (292). Encadrement (9). 2 peintures à bordures tricolores (105v, 106). Rubriques. Parchemin.IV et 302 ff. à 2 colonnes.270 × 180 mm.»  

A la fin du XVIème siècle, l’église prit le nom de paroisse Saint-Lambert, dont le culte semblait supplanter celui de la Vierge-Marie. Le peintre Fragonard lui-même y célébra son mariage en 1769. Le champêtre village de Valgirard convenait certainement à cet artiste amoureux de la nature. S’agit-il d’une preuve de la popularité du lieu sacré ou Fragonard détenait-il simplement une résidence à proximité de Saint-Lambert ?

De la Révolution à la Restauration

Quelques années plus tard, un nouveau culte aussi populaire que l’ancien vit le jour en cette église. En 1791, malgré la destruction et la confiscation de son patrimoine, l’édifice demeura un lieu de dévotion, cette fois tourné vers le culte de la déesse Raison, puis de l’Etre Suprême en 1794. En novembre 1793 (brumaire an II) et janvier 1794 (nivôse an III), deux cortèges dédiés respectivement à ces divinités s’élancèrent depuis l’ancienne église de Saint-Lambert.

Fête de l’Etre Suprême, 1794 (c) Musée Carnavalet, Paris
Fête de l’Etre Suprême, 1794. © Anonyme / Musée Carnavalet, Paris

Une demoiselle, vêtue à l’antique, personnifiait la déesse Raison. Portée en triomphe et surmontant la foule, elle était secondée par un thiase de vestales, d’antiques héros et de musiciens. La déesse Liberté sur son char déambulait également à ses côtés. Tout au long du défilé, la foule acclamait cette procession, déclamant quelques chants révolutionnaires. Des bustes s’élevèrent dans les cieux. Il s’agissait de ceux de Brutus, Marat et Le Peletier de Saint-Fargeau, héros de la république.

Par la suite, le lieu sacré devint … un magasin de fourrage. Notons d’ailleurs que le village de Valgirard, portant le nom d’un abbé, fut rebaptisé Commune Jean-Jacques Rousseau durant la Révolution.

Quant à l’église de Saint-Lambert, elle se releva progressivement de ses ruines. Dès le début des années 1800, des offices catholiques y furent de nouveau célébrés. Des donateurs privés parèrent l’église dévastée d’un nouveau mobilier liturgique, d’un orgue et de pieux tableaux. Malgré la restauration des vitraux, le lieu de culte demeurait dans un tragique état de délabrement. De plus, au cours du XIXème siècle, le village de Vaugirard s’était développé vers le nord. Cet ancien édifice cultuel se retrouvait excentré et éloigné des nouveaux lotissements.

Eglise Saint-Lambert - Paris 15 eme arrondissement (c) Valgirardin.fr
Actuelle église de Saint-Lambert. DR

Le conseil municipal de Vaugirard décida en 1846 de détruire cette église médiévale et d’édifier un nouveau lieu de culte également dédié à Saint-Lambert, plus proche du centre de Vaugirard. Il s’agit de la paroisse actuelle, rue Gerbert, inaugurée en 1853, œuvre de Claude Naissant. Cet architecte s’illustra en bâtissant de nombreux édifices cultuels néo-romans et néo-gothiques, styles populaires en cette ère.

Du Moyen Age à Vaugirard ?

Si les toponymes de Saint-Lambert et Vaugirard puisent leurs sources dans le Moyen Age, subsiste-t-il des vestiges médiévaux liés à l’histoire du XVème arrondissement ? Pour le savoir, rendez-vous d’abord en l’actuelle église de Saint-Lambert !

Reliques Saint Lambert - église vaugirard - paris 15 eme arrondissement
Reliques de Saint-Lambert surplombant le chœur de l’actuelle église éponyme. DR

Vous y découvrirez, dominant le chœur, les reliques de l’évêque de Maastricht. L’histoire de cette chasse souffre de quelques lacunes. En effet, il ne s’agirait pas du reliquaire du lieu de culte médiéval, probablement perdu durant les guerres de Religion (pourtant, les pèlerinages ne semblent pas avoir connus de déclin au XVIème siècle). En 1794, suite à la conquête de la cité de Maastricht par les troupes françaises, un soldat aurait rapporté des ossements de Saint-Lambert. Ces derniers auraient d’abord orné, dès 1828, l’ancienne, puis l’actuelle église de Saint-Lambert. Comment ce deuxième reliquaire serait parvenu en ce lieu une trentaine d’années plus tard ? Vos hypothèses ou éclaircissements sont les bienvenus !

Statue Notre-Dame du Pardon église Saint-Lambert Vaugirard - Paris 15 eme arrondissement
Statue Notre-Dame du Pardon au chevet de Saint-Lambert. DR

L’histoire de la statue de la Vierge, au chevet de cet édifice, s’avère toute aussi fabuleuse. Une chatoyante sculpture mariale ornait jadis l’église médiévale de Valgirard. À la révolution, l’œuvre fut brisée et ses fragments retrouvés dans les décombres de Saint-Lambert. Le maire de Vaugirard commandita la création d’une nouvelle sculpture de la Vierge comprenant les bribes de l’ancienne œuvre. A proximité, se trouve un texte narrant en détail l’histoire de cet artefact.

Une autre enseigne se dresse, cette fois hors du lieu, place Henri Rollet, à l’emplacement de la première église de Saint-Lambert. Vous y découvrirez un panneau  « histoire de Paris » relatant le défilé en l’honneur de la déesse Raison qui s’élança de ce lieu.

Tympan roman - Eglise Saint-Etienne d’Issy
Tympan roman du XIIème siècle de l’église Saint-Etienne d’Issy. DR

Toutefois, pour admirer d’authentiques vestiges médiévaux liés à Valgirard, il vous faudra endosser le rôle d’un aimable paysan du bourg en une journée dominicale. A son instar, marchez le long de la rue de Vaugirard et poursuivez votre route jusqu’au métro Corentin Celton. Non loin, se dresse l’église Saint-Etienne, où se rendaient les Valgirardins avant l’édification de leur chapelle au XIVème siècle. Cet édifice comprend, près du chœur, un magnifique tympan roman du XIIème siècle !

Enfin, n’omettez point de visiter l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés qui détenait moult terre en notre actuel arrondissement. Non loin, le musée de Cluny conserve un gant et des pièces textiles de Pierre de Courpalay, abbé de Saint-Germain, qui possédait une résidence à Valgirard.

Les Très Riches Heures du duc de Berry, Folio 6, Juin. B. d’Eyck ou J. Colombe / Musée Condée, Chantilly. Au second plan, nous reconnaissons le palais royal de l’île de la Cité, avec la Sainte Chapelle et la tour de l’horloge.

Faire le lien

Cet exemple prouve que Valgirard, modeste bourgade au Moyen Age, était pourtant étroitement liée à l’histoire de Paris et à ses hauts dignitaires. D’une part, de puissants seigneurs et clercs parisiens contribuèrent à la croissance du bourg en y édifiant des manoirs et en lui accordant différentes faveurs. D’autre part, le village fournissait Paris en vin, bétail, mais aussi en calcaire. Avec les pèlerinages des bourgeois parisiens vers l’église de Saint-Lambert, ce lien unissant Paris à Valgirard devint encore plus important. L’histoire de Vaugirard au Moyen Age illustre ainsi les rapports d’interdépendances qui existaient à l’ère médiévale entre Paris et sa proche campagne.

Paris serait-elle devenue Paris sans ses faubourgs alentours ?

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Alexandre Guth

Diplômé d’histoire de l’art et d’archéologie, Alexandre travaille dans le secteur de la culture. Il conçoit notamment des parcours axés sur la découverte du patrimoine citadin (Paris, Prague, Budapest,…). Sur Valgirardin, Alexandre présente chaque mois les lieux insolites du 15ème arrondissement.

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