Précédemment, nous avons évoqué l’histoire de la première Ile aux Cygnes, sur l’emplacement de l’actuel Champs de Mars. L’Allée des Cygnes « d’aujourd’hui » émergera de la Seine au début du XIXème siècle.
Dans les années 1820, les promoteurs Alphonse Letellier et Léonard Violet procédèrent à l’urbanisation de la plaine de Grenelle. Ils y construisirent des lotissements, tracèrent des parcellaires en damier et furent à l’origine de l’édification de l’église Saint-Jean-Baptiste en 1825. Léonard Violet voulu également édifier un port le long des berges grenelloises, droit accordé par ordonnance royale du 28 septembre 1825.
Léonard Violet souhait-il développer à Grenelle le commerce maritime, plus faible en aval qu’en amont de la Seine ? En effet, les navires voguant dans le sens du courant ont moins de peine pour naviguer que ceux devant remonter le fleuve à contre-courant. Les bateaux étaient ainsi remorqués près des quais par des bœufs ou des chevaux, gonflant le prix de la navigation. De plus, les récifs parfois peu profonds rendaient la navigation ardue.
Pour faire face à ce problème, le lit de la Seine fut dragué à l’emplacement du port de Grenelle afin d’accueillir des navires à fort tirant d’eau. Face à Grenelle, la rive de Passy était également en plein remaniement. La terre et les sédiments extraits des deux rivages étaient rejetés en une digue centrale. Ainsi naquit l’allée des Cygnes, en 1825-1826. En 1827, la plateforme fut consolidée et le pont de Grenelle l’enjambant achevé.
Ce premier ouvrage en bois était ouvert « aux voitures et aux piétons » moyennant un droit de passage indiqué par l’affiche ci-dessus. Le document précise également l’importance du pont de Grenelle en tant que point de transit reliant les régions françaises et les faubourgs parisiens.
Cependant, l’allée des Cygnes elle-même, dénommée pour l’instant berge de Grenelle, n’était pas encore ouverte à la promenade. En 1828, une ordonnance royale autorisa la ville de Paris « à concéder, pour 50 années à l’État, la jouissance gratuite du terrain de l’île aux Cygnes, à l’effet d’établir sur le terrain le dépôt des marbres et les ateliers de sculpture et de fonderie du gouvernement. »
Malgré sa double fonction de berge et d’entrepôt, des arbres furent plantés sur la plateforme dès 1830, à en croire le Journal des débats politiques et littéraires du 10 août 1895. La version de 1836 de l’Atlas de Jacoubet semble confirmer la présence de végétaux dès cette époque. Des points noirs à espacement régulier symbolisant les plantations y apparaissent. Nous découvrons également une simple estacade reliant la berge au quai Branly et qui n’apparaît plus sur les plans à partir de 1850.
Un autre changement survient sur les cartes dès 1859-1860. Sur le tableau d’assemblage du parcellaire de la commune de Grenelle de 1859, dressé en prévision de son rattachement à Paris, apparait le toponyme d’allée des Cygnes pour désigner cette plateforme.
S’agissait-il d’une manière d’inscrire Grenelle dans l’Histoire parisienne en reprenant le nom d’une ancienne île de Paris ?
Quoi qu’il en soit, cette plateforme artificielle ne connut pas d’autres changements majeurs dans la décennie à venir … jusqu’en 1873, lors de la tournée européenne du Shah de Perse Nasser-al-Din Shah Qajar. Lors de sa visite de Paris, le centre de la capitale fût fermé à la circulation. Les piétons, chevaux et tractions hippomobiles furent détournés vers le pont de Grenelle. Le pont ne supporta pas cette fréquentation plus importante qu’à l’accoutumée. L’ouvrage s’affaissa… et finit par rompre !
Celui-ci est reconstruit en fonte l’année suivante et le péage pour l’emprunter aboli. Un deuxième pont va bientôt voir le jour sur l’allée des Cygnes, grâce à un évènement d’envergure internationale : l’exposition universelle de 1878.
Pour cette occasion, il est décidé d’édifier une passerelle en amont de l’île aux Cygnes afin de desservir le Champ-de-Mars, l’un des sites majeurs de la manifestation. Ce petit pont, remplacé en 1903 par le viaduc de Passy, ouvrit l’allée des Cygnes aux piétons. En atteste le rapport de l’ingénieur ordinaire, Ponts et chaussées de la ville de Paris du 16 novembre 1877 : « Aujourd’hui que le public, par le fait de la construction de la passerelle, sera appelé sur cette ile, ne convient-il pas de l’améliorer en y exécutant quelques travaux de jardinages ? »
L’idée de transformer cette digue en promenade commença à germer.
A suivre : L’Allée aux Cygnes, une île tournée vers le monde (3ème et dernière partie)
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Très intéressant. Hélas, les eaux de pluie stagnent vers le milieu de l’île aux Cygnes, obligeant les promeneurs et joggeurs à passer sur les côtés dans la boue et les racines. Quand il gèle, c’est une très belle patinoire… les élus, informés, n’ont jamais rien fait pour y remédier.