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Nouakchott - Christian Vium - Paris 15

Lauréat du Prix HSBC : la « Ville nomade » par Christian Vium

Après le lycée, Christian Vium veut découvrir le monde et part dans le Sahara. Il traverse le nord du Mali et quelques parties du Sénégal, puis découvre la Mauritanie. Treize ans plus tard, il a fait de ce pays et surtout de sa capitale Nouakchott, l’un de ses sujets d’étude photographique et anthropologique : un travail précis et minutieux, inédit jusqu’alors, cumulant documents d’archives et près de 4000 clichés.

L’histoire de cette cité est très particulière. Après la proclamation d’indépendance du pays en 1960, il a fallu construire une ville pour doter le nouvel Etat d’une capitale. Dans un pays peuplé essentiellement de nomades, celle-ci a été créée sur une zone où il n’y avait rien.

Lauréat, cette année, du Prix HSBC pour la Photographie, Christian Vium s’est confié sur son projet Ville nomade, dont un aperçu est exposé à la Galerie Esther Woerderhoff jusqu’au 18 juin 2016, heureux de pouvoir le présenter au grand public.

Christian ViumPourquoi cet intérêt pour la Mauritanie et sa capitale en particulier ?

C.V. : En revenant régulièrement en Mauritanie, j’ai commencé un travail d’anthropologie. Pour ma thèse de doctorat, je l’ai poursuivi en réalisant systématiquement une sorte de cartographie ethnologique. Chaque photo est géo-localisée afin de pouvoir revenir plus tard dans le quartier concerné et constater son évolution sociale et structurelle (bâtiments, routes,…).

Aujourd’hui, les traces du nomadisme sont encore présentes dans la ville malgré le bouleversement social et l’évolution du mode de vie opéré au cours des 50 dernières années.

Je me suis rendu compte qu’il y avait une histoire à expliquer sur la construction d’un Etat à travers sa capitale. Elle reflète aussi un peu la situation de l’Afrique en général dont certaines régions ont connu un important accroissement urbain, souvent très spontané mais non planifié. A Nouakchott, le développement a été peu encadré, entraînant aujourd’hui beaucoup de problèmes liés au foncier, aux infrastructures ou à l’acheminement de l’eau.

Cette sédentarisation de ce peuple nomade s’est-elle faite naturellement ou a-t-elle été imposée ?

C.V. : A la fin des années 60 et au milieu des années 80, toute la région du Sahel a été frappée par deux sécheresses successives extrêmement destructrices. Il y a eu un important exode vers les villes où les gens se sont établis. Après, il a été très difficile pour eux de retourner vivre dans le désert car ils avaient tout perdu. Cela a eu un impact dans la construction de la ville car cette population est arrivée vite, sans rien, et s’est installée dans la périphérie où les quartiers ont connu une croissance rapide. En 1958, Nouakchott comptait 500 habitants, en 2008, ils étaient 1 million pour une population totale de près de 4 millions de personnes. D’autres paramètres sont aussi à prendre en compte comme les changements sociaux-politiques, les questions de hiérarchies sociales et d’esclavage.

Au-delà d’une simple série de photographies, vous avez entreprit un vrai travail de recherche…

C.V. : Ce travail montre bien la relation entre les sciences et l’art. Ces deux formes d’enquête et d’expression peuvent être en symbiose. Ce projet n’est pas qu’un produit esthétique. Il est avant tout un travail analytique pour comprendre cette ville.

Il y avait tellement de questions en suspend à propos de cette cité que j’ai voulu entreprendre ce travail, participer à l’écriture de son histoire à travers mes montages mêlant photos et documents d’archive. La partie la plus importante de ce projet est l’enquête de terrain, dans les quartiers périphériques, là où habitent la plupart des gens, surtout les pauvres. J’ai aussi voulu écrire leur histoire. J’aimerais qu’ils puissent profiter de ce travail en l’exposant à Nouakchott, puis en rassemblant tous les documents et toutes les photos sur internet afin de constituer les premières archives de la ville.

Une monographie, Ville nomade, éditée chez Actes Sud, à paraître en juillet 2016, présente une partie de son travail effectué en Mauritanie.

La Galerie Esther Woerdehoff (36 rue Falguière) expose les œuvres des deux Lauréats 2016 du Prix HSBC, Christian Vium mais également Marta Zgierska.

Les dernières expositions de la galerie :

Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.

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