Cette photographie présente le viaduc d’Auteuil, également connu sous le nom de « pont du Point-du-Jour », édifié entre 1863 et 1865 dans le cadre des grands travaux d’urbanisme haussmanniens. Il occupa pendant presque un siècle l’emplacement de l’actuel… pont du Garigliano ! Quelle histoire connut cet édifice, et pourquoi une nouvelle structure le supplanta ? Pour le savoir, remontons le temps !
En 1852, débuta la construction de la petite ceinture de Paris. Ce chemin de fer, réalisé par tronçons successifs, vint à enlacer la capitale. Initialement dévolus au fret, les trains de cette ligne approvisionnaient les fortifications de l’enceinte de Thiers et les usines périphériques.
Afin d’enjamber la Seine, cette voie ferrée se dota de deux ouvrages. A l’est, le Pont National et à l’Ouest, le viaduc d’Auteuil, érigé dans le cadre de la prolongation de la petite ceinture jusqu’à Ivry.
Petite ceinture, grande taille
Le Viaduc d’Auteuil constituait un édifice en pierre, long de 175 mètres et large de 30 mètres. Il comprenait deux registres. Les piétons, les transports hippomobiles et les quelques voitures empruntaient le segment inférieur, tandis que les trains circulaient sur la section supérieure.
Cinq travées supportaient ces deux étages. Le matériau employé, les becs protégeant les piles, les « N » de Napoléon III ornant les écoinçons, ainsi que les arches surbaissées, évoquent d’autres ouvrages du Second Empire. En témoigne le Pont Saint-Michel, dont vous pouvez observer ci-dessus le plan en comparaison avec celui du viaduc.
Fluctuat nec mergitur
Une fois dressé, le viaduc du Point-du-Jour se trouva rapidement au cœur des évènements tumultueux ayant frappé Paris. Détérioré dès 1871 par la répression de la Commune, il joua un rôle actif lors de la crue de la Seine en 1910.
L’inondation rendait inaccessible les déchetteries et les incinérateurs de la capitale. Dès lors, craignant une épidémie, le préfet Lépine lance l’opération « Ordure au fil de l’eau » : durant plus de deux semaines, les chariots hippomobiles récoltent des tonnes de déchets et les déversent quotidiennement… depuis le viaduc de Passy ! S’ils devaient voguer vers la Manche, la plupart des détritus polluèrent… les rivages des communes en aval de la Seine.
En 1943, cette structure, prise pour cible par les bombardiers américains, s’avéra l’unique pont parisien endommagé lors de ce conflit. Demeurant debout malgré les ravages de la guerre, cet ouvrage disparu néanmoins peu d’années après…
Pont final
Après 1945, le parc automobile français connaît une croissance rapide. Le viaduc du Point-du-Jour ne s’avère plus adapté à la circulation. De plus, ses arches trop basses posaient également un problème pour la navigation fluviale.
L’édifice fut donc démoli en 1959 et remplacé par le pont du Garigliano en 1963, coupant la liaison entre l’ouest et l’est de la petite ceinture, encore en activité jusqu’en 1979 pour la section desservant les abattoirs de Vaugirard, détruits depuis pour laisser place à l’actuel parc Georges Brassens.
Aujourd’hui, il ne reste rien de cette œuvre ayant enjambé la Seine. Toutefois, les viaducs de Passy, et surtout celui de Bercy avec leurs registres dévolus au transport ferré, lui ressemblent. A tel point que nous pouvons nous poser une question : ce pont constitua-t-il l’une des sources d’inspiration pour l’agencement du métro aérien ?
Une source d’inspiration ?
Un élément de réponse se trouve certainement à l’extrémité occidentale du pont, sur son registre supérieur, du côté de l’actuel XVIème arrondissement. En cet endroit se dressait une gare de voyageur qui portait également le nom du Point-du-jour. Ouverte en 1867, il s’agissait d’un édifice de verre et de métal. Ce bâtiment ne vous évoque-t-il pas les stations suspendues des lignes de la RATP n°2 et n°6 ?
Cette station et le viaduc éponyme existent encore… à travers les structures dont ils furent certainement l’une des sources d’inspiration.
A lire également :
merci pour cet article très intéressant et bien documenté