Vendredi soir, au Dupont Café, la remise des Prix Georges Brassens a marqué l’ouverture des 31ème Journées Georges Brassens, qui ont eu lieu les 13 et 14 octobre dans le 15ème arrondissement parisien.
David Hennebelle (à droite sur la photo ci-dessus) a reçu le Prix Littéraire pour son roman biographique, Mourir n’est pas de mise (Ed. Autrement). Un mercredi de 1974, l’Askoy quitte le port d’Anvers. Le capitaine de ce grand voilier n’est autre que Jacques Brel, parti pour un tour du monde. En quête d’une nouvelle vie, plus authentique, il jettera l’ancre dans les eaux bleues du Pacifique, aux Marquises, avant d’être rattrapé par la maladie. David Hennebelle, professeur et historien de la musique, raconte les quatre dernières années de vie du chanteur. Rencontre…
Pourquoi vous être intéressé à cette histoire ?
J’ai une admiration très grande pour Jacques Brel. Cette odyssée m’a semblé réunir une matière vraiment exceptionnelle pour écrire un roman. Il y avait une quête d’absolu, tous les obstacles qui pouvaient apparaître entre l’idéal et le réel, l’idée d’un grand voyage, des valeurs humaines comme l’amour et l’amitié. Il y avait également un condensé dans le temps qui était très inspirant pour moi.
Ma formation d’historien m’amène dans un premier temps à une recherche documentaire très approfondie et pour ensuite m’en détacher par l’écriture littéraire. Je ressentais une certaine frustration en tant qu’historien car on reste toujours un peu à l’extérieur. Je pense que la littérature peut aussi produire du vrai, peut amener une perception du temps, du décor,… que l’histoire seule ne permet pas. Je me suis obligé à un respect scrupuleux sur le plan factuel, sans aucune invention. Tous les faits évoqués sont absolument authentiques et corroborés.
On ressent, jusque dans votre style et votre écriture, cette urgence à changer de vie…
Brel est un personnage qui a tourné des pages. En 1967, il arrête la chanson, pour six années de cinéma. Il tourne la page du cinéma pour faire un tour du monde. Il prend des cours de voile et se lance. Pour l’avion, c’est pareil. Il prend des cours et est en mesure de piloter des avions de ligne. Quand il se fixe un objectif, il se donne les moyens de l’atteindre. J’ai été assez impressionné par cette capacité à se réinventer et à tourner des pages, comme ça, dans une vie.
Le style est très important pour moi. Il y a eu un travail acharné sur chaque phrase, me demandant à chaque fois si elle était utile, si elle avait du sens, si elle apportait quelque chose au récit. Je le voyais un peu comme des trouées ouvertes sur son existence avec aussi beaucoup de silences autour.
Qu’avez-vous découvert sur sa personnalité ?
Un courage énorme. A peine parti, il est déjà malade. Tout pourrait s’arrêter, mais on poursuit quand même. Pour moi cela s’explique beaucoup par l’enfance. Il l’a dit à de multiples reprises : on ne doit jamais se résigner à être adulte, à abandonner ses rêves d’enfants.
Il y a une phrase marquante dans votre livre à propos de lui : « …il pensa que lui aussi pourrait devenir vrai. »
Il fuit la notoriété qu’il a très difficilement vécue. Ce qui est paradoxal puisqu’il a recherché la gloire. Quand elle est arrivée, elle est devenue très contraignante pour lui. Dans les années 1970, il existe déjà une forme de harcèlement des photographes et des paparazzis, qui lui est insupportable. C’est ce qui le détermine à s’installer aux Marquises. Il se rend compte que l’endroit lui plaît et qu’il a plus de chance de passer incognito. L’autre moteur, c’est ce rêve : l’idée d’aller voir derrière, de ne pas rester là, ce besoin de voyager. Cette odyssée a une dimension universelle. Elle est une sorte de parabole de ce qu’est une existence humaine.
Seconde remise de prix, ce soir-là. Pierre Schuller, président de l’association Auprès de son arbre, a décerné le Prix Mémoire à Marion Schuster et à Jürgen Günther. Ils sont les fondateurs et organisateurs du Festival Brassens de Basdorf en Allemagne, dont la 15ème édition s’est tenue en septembre dernier. C’est à l’occasion de l’inauguration de la place Georges Brassens dans son village de Basdorf, que Marion, professeure de Français, a appris que Brassens y avait passé une année entre 1943 et 1944 au titre du service de travail obligatoire (STO).
Photo du haut : Philippe Touron, directeur de la librairie Le Divan et David Hennebelle
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