Valgirardin.fr
Prix mordus polar - rencontre espion - bibliothèque gutenberg - paris 15

Mordus du Polar : rencontre avec un ex-agent secret

A l’occasion du Prix Mordus du Polar, la bibliothèque Gutenberg a invité M. Montier, ex-agent secret français, à se faire cuisiner par une quinzaine d’enfants férus de romans d’espionnage. Résumé d’une rencontre pas comme les autres.

Comment êtes-vous devenu un espion ?

Par le plus grand des hasard. J’ai fait mon service militaire comme interprète et ai été approché par le ministère de l’intérieur mais je n’étais pas particulièrement enthousiaste, je rêvais de voyages, de découvertes et d’aventures, pas d’un bureau, et puis finalement j’ai posté mon CV et passé un concours. Résultat, j’ai passé plus de quinze ans en missions à l’étranger et parle huit langues.

Est-ce que vous deviez vous battre ?
Alors il faut faire la différence entre les agents de renseignement de terrain comme moi et le service action. Je suis un civil formé au renseignement : mon rôle est de nouer des liens et de récupérer des informations le plus discrètement possible, c’est ce que l’on appelle le renseignement humain.

Le service action, lui, est composé de militaires travaillant pour la Direction Générale de la Sécurité Extérieure (DGSE) qui, eux, se battent, mais jamais sur le territoire national.

Est-ce que les différentes agences de renseignement nationales travaillent ensemble ?

Oui ! Il y a de plus en plus de coopération internationale mais cela reste tout de même difficile, car la base de notre métier est le secret. Il y a des grandes causes et des missions sur lesquelles il est facile de partager des informations. Le terrorisme par exemple : comme tout le monde a le même but, les échanges sont plus simples. Mais lorsqu’il s’agit de partager des renseignements en matière d’espionnage économique, alors là, cela devient très très compliqué. Tout est toujours calculé, comme lorsque l’on rend service à une agence ennemie pour qu’elle nous renvoie l’ascenseur plus tard.

Goldfinger affiche

Combien de temps durent l’une de vos missions ?
C’est extrêmement variable ! Nous pouvons être envoyés sur une mission d’une demi-journée comme sur une mission de plusieurs années. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a plusieurs étapes.
D’abord, il faut découvrir où est l’information et qui la détient.
Ensuite, imaginons que six personnes ont l’information que vous voulez, il va falloir tout apprendre sur eux, absolument tout. Ce qu’ils aiment, n’aiment pas, où ils font du sport, où est-ce qu’ils sortent… pour pouvoir les approcher, sympathiser avec eux, s’en faire des amis et leur faire donner l’information sans même qu’ils ne s’en rendent compte. C’est pour ça que dans notre métier, le mot d’ordre est : « Méfiez vous des gens sympathiques ! ».
Mais une fois l’information obtenue, le travail est loin d’être terminé. Il faut recouper toutes les sources, tout vérifier et revérifier avant que le dossier ne soit transmis aux plus hautes autorités de l’Etat.

Et surtout il ne faut pas oublier que chacune de ces différentes étapes peuvent être menées par différentes personnes, on voit rarement le résultat de notre travail. Mais de temps en temps, on ouvre le journal et on se dit «  Ah tiens, ça c’est en partie grâce à moi ! ».

Est-ce que vous vous êtes déjà fait repérer ?

(rires) Oh oui ! On se fait très souvent repérer ! D’ailleurs on part même souvent du principe que l’on est déjà repéré, mais il existe de très nombreuses méthodes pour arriver à travailler dans cette situation. Mais oui, nous sommes très souvent repérés. Ca me rappelle une anecdote. A l’époque je travaillais à l’ambassade – désolé je ne peux vous dire où – mais je travaillais dans une ambassade à l‘étranger, et un diplomate russe que je savais être un espion a essayé de m’approcher plusieurs fois. Au bout de quelques mois, j’ai préféré crever l’abcès et lui dire : « Ecoute, je sais qui tu es, tu sais qui je suis. Je pense que le plus simple, c’est d’en rester là, tu ne crois pas ? »  et l’histoire s’est arrêtée là.

Est-ce que vous aviez des gadgets ?
Là, je vais vous faire plaisir : oui nous avons des gadgets. Mais beaucoup d’entre eux ne feraient pas rêver des jeunes comme vous, ayant grandi avec des smartphones. Mais pour vous en citer quelques uns, nous avions un appareil photo qui s’appelait le Minox, qui était gros comme un doigt. Du coup, on le cachait à l’intérieur d’un gant que l’on perçait d’un petit trou pour prendre des clichés en toute discrétion. Ou bien le parapluie bulgare, qui contenait à son extrémité une seringue hypodermique ; une simple pression et il libérait un poison mortel.

En revanche, il faut que vous sachiez que seuls les membres du service action sont armés. Je n’ai jamais porté d’armes en mission.

Pourquoi ne pas armer tous les membres des services secrets ? C’est quand même un métier à risques, vous n’avez jamais eu peur ?

C’est un métier risqué c’est vrai, mais les seules fois où j’ai eu peur, c’est parce que je n’avais pas parfaitement respecté les protocoles. Et pour les armes, l’explication est simple. Nous menons une vie de paraître avec de fausses identités, faisons beaucoup de voyages et, dans la méfiance et le mensonge en permanence, certains agents plus fragiles ont du mal à le supporter et sombrent dans la dépression. Il est donc préférable qu’ils n’aient pas une arme à disposition.

Les Patriotes affiche

Avez-vous déjà pensé à arrêter ?

Jamais.

Votre femme savait-elle que vous étiez un agent secret ?

Ma femme, oui. Elle savait que j’étais un agent de la DGSE mais elle ne savait jamais sur quoi je travaillais exactement, et quels étaient les objectifs de mes missions. Mes enfants eux, n’étaient pas au courant. A l’agence, on ne préfère rien dire aux enfants depuis que l’un d’entre eux, alors que toute la famille était sous couverture à l’étranger, a vendu la mèche à son maitre d’école.

Et quelle a été leur réaction quand vous leur avez appris ?

Ma fille n’a pas été surprise du tout, elle a très bien compris, mais mon fils alors lui il est tombé des nus !

Quelles sont les qualités essentielles pour être un bon agent secret ?

De la modestie et de la discipline, si on vous dit d’abandonner la mission vous devez abandonner la mission même si vous êtes sûr de pouvoir la mener à bien. Il faut avoir une grande empathie, être capable de se calquer sur les autres en s’oubliant soi-même. Et le plus important : la chance ! Vous pouvez avoir préparé la plus belle des missions, la plus parfaite des opérations, sans chance tout peut s’écrouler.

Etes-vous arrivé à vous faire de vrais amis ?

Dans le cadre du travail peu, voire très peu en fait. Mais j’ai la chance d’avoir de nombreux amis d’enfance qui, d’ailleurs, ne savent que je suis espion que depuis quelques années ! J’ai aussi réussi à nouer quelques belles amitiés à l’étranger.

Qu’est-ce qu’il faut faire à part mentir quand on est agent secret ?

(Rires) Bonne question. Essayer de garder la tête froide je dirais. Parce que vous savez mentir tout le temps c’est réellement dur, ça devient presque comme une seconde nature. Le plus grand danger, c’est de ne même plus s’en rendre compte et de finir par se perdre.

Votre métier a l’air loin des films et des romans d’espionnage que l’on a l’habitude de lire.
Oui je n’ai pas mené la vie de James Bond. En fait, ces films regroupent le travail d’une dizaine d’agents différents en un seul, ou alors se focalisent uniquement sur l’un des aspects du métier qui est en réalité très restreint.

Mais il existe des films très proches de la réalité comme « Les patriotes », un film qui révèle trois opérations du Mossad (service secret israélien), ou le livre « Dossier 51 ».

Alors, si vous voulez en apprendre plus sur la véritable vie d’un espion, vous savez quoi faire !

Hugo Pascual

Journaliste et réalisateur diplômé, après un passage par la rédaction de Libé, je suis prêt à parcourir le monde, et le 15ème, armé de ma plume et de ma caméra pour raconter de belles histoires !

Ajouter un commentaire