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Expo Schneider Musée Mendjisky Paris 15

Verrerie Schneider, histoire d’une passion

Le Musée Mendjisky accueille l’exposition de verreries Schneider, les enfants d’une œuvre. Trois collectionneurs passionnés, l’artiste allemand Barlach Heuer et les antiquaires français Laurence et Jean-Pierre Serre, ont mis leurs 317 pièces en commun pour présenter au public la vie et l’œuvre de ces maîtres verriers de la famille Schneider.

Au début du siècle dernier, Charles Schneider est entré chez le verrier Daum à Nancy, berceau de l’Art Nouveau, tout en suivant une formation aux Beaux-arts de Nancy puis de Paris. Avec ses frères et sœurs, Ernest et Ernestine, ils ouvrent leur première manufacture en 1913 à Epinay-sur-Seine. La marque de fabrique de la Maison est le pied vénitien ou jambe noire, déposé aux Arts et Métiers de l’époque. Ils utilisent deux modes de diffusion de leur production : Schneider et le Verre Français, une ligne plus accessible et plus simple à réaliser.

Contrairement à ses concurrents, Daum ou Lalique, Schneider n’est pas très reconnu en France. Les frères travaillent beaucoup à l’exportation, notamment vers les Etats-Unis qui représentent un important marché. L’entreprise n’a pas résisté à la crise de 1929 et fait faillite.

En 1950, les deux fils de Charles Schneider, créé, sous l’impulsion de leur père, les Cristalleries Schneider sur le terrain familial. L’usine fermera ses portes définitivement en 1981.

Coupes pied vénitien Schneider
Coupes avec pied vénitien, emblème de la Maison Schneider

Cette exposition parisienne est la 8ème étape d’un parcours qui a mené ces trois collectionneurs passionnés jusqu’en Suède et en Finlande. Nous nous sommes entretenus avec Barlach Heuer et Laurence Serre.

Comment avez-vous découvert la verrerie Schneider ? Qu’est-ce qui vous a séduit ?

Barlach Heuer – Je suis l’un des premiers à l’avoir découverte dans les années 50. J’ai été fasciné et enthousiasmé par les objets et la beauté des couleurs.

Laurence Serre – Aux puces de Lyon, je suis tombé sur un pichet marqué Schneider que j’ai trouvé joli, en pensant à tort que c’était un objet contemporain. Nous étions à la fin des années 70. Je venais de mettre le doigt dans l’engrenage. Par mon métier d’antiquaire, j’ai eu la possibilité de trouver d’autres pièces et d’en acheter, notamment dans les successions. La passion a grandi.

J’ai découvert le travail de Barlach, le premier à avoir réalisé une exposition Schneider à Düsseldorf, au début des années 80. Lors de notre rencontre à Paris, nous nous sommes dit que c’était dommage de séparer nos collections. Nous avons donc commencé par publier un livre, l’actuel catalogue de l’exposition, point de départ de cette aventure.

Ce qui nous plaît, c’est de partager notre folie douce, notre amour fou pour la couleur, pour les formes, pour Schneider. Nous avons trouvé de quoi alimenter notre passion tant la production est diverse et variée. C’est sans fin !

Comment avez-vous appréhendé l’histoire de Schneider ?

L.S. –. Un vase a une histoire, il y a des gens derrière, une vie, une fratrie, une famille. Nous nous sommes intéressés à l’histoire de cette famille Schneider. Nous avons effectué des recherches dans les archives familiales, retracé l’arbre généalogique, enquêté en Bretagne pour savoir qui habitait tel endroit à quel moment. C’était passionnant, digne d’une véritable enquête policière. Nous avons notamment retrouvé une dame qui a travaillé avec les deux fils. Quelle émotion de recueillir le témoignage direct de personnes les ayant côtoyés.

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Ouvrage consacré à la vie et l’œuvre des Schneider (catalogue de l’exposition)

Dans l’entre-deux guerres, la verrerie Schneider était peu reconnue en France, pour quelle raison ? Qu’est-ce qui la différenciait de ses concurrents ?

L.S. – Plusieurs raisons expliquent cette situation. La première cause est le statut social de Charles Schneider, orphelin, fils de cheminot qui a perdu la vie dans un accident. Des Maisons comme Daum ou Lalique faisaient parties de la haute bourgeoisie. Elles étaient bien installées.

La seconde raison est le caractère de Charles. Il a été employé et soutenu par Antonin Daum, puis licencié lorsque ses fils ont pris la succession. Il y a eu une sorte d’incompatibilité d’humeur entre tous ces individus à la très forte personnalité.

Les frères Schneider ont alors eu l’audace de lancer leur propre manufacture, à une époque où l’entreprise, en étant un peu caricatural, gardait un employé de son apprentissage jusqu’à sa mort.

Dès lors, ils sont devenus persona non grata dans leur milieu. A chaque exposition ou foire internationale, Daum écrivait des courriers virulents, retrouvés dans leurs archives : ces scélérats de Schneider, je ne tiens pas à être près d’eux, laissez-les dans un recoin.

Par ailleurs, Charles Schneider était assez fier et toujours resté socialement à l’écart volontairement. Il n’était pas dans les coteries de l’époque, ce qui a probablement nuit à sa carrière.

Charles Schneider, un avant-gardiste ?

L.S. – Sa position était complètement différente de ses concurrents, où tout était hiérarchisé avec des donneurs d’ordre et des praticiens exécutants. Chez Schneider, Ernest gérait les affaires, laissant ainsi Charles totalement libre pour la création. A l’affût et très informé de toutes les tendances artistiques du moment, il pouvait aller dans toutes les directions et, praticien lui-même, essayer des choses.

En phase avec leur époque, les frères Schneider ont créé par exemple le Rouge Tango à un moment où l’Europe découvrait et s’enthousiasmait pour l’Argentine. Des chimistes ont été recrutés pour créer des couleurs « chimiques » originales et inédites, alors que leurs concurrents utilisaient des pigments naturels. Ce procédé, consigné dans des cahiers chiffrés, a assuré une régularité des couleurs et libéré complètement l’imagination de Charles.

Il avait l’audace et les moyens de son audace.

L’exposition est à découvrir jusqu’au 29 mai 2016 au Musée Mendjisky-Ecoles de Paris.

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Anne-Marie Leca

Journaliste, créatrice de Valgirardin.fr, Anne-Marie vit et travaille dans le 15ème arrondissement depuis plus de vingt ans.
Membre de la Société Historique et Archéologique du 15e.

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