Valgirardin a refait le monde autour d’un café avec l’actuel propriétaire, Jean-Louis, fils du créateur.
Mon père était champion d’Europe de boxe, troisième mondial et sparring-partner de Marcel Cerdan. Une fois retraité, il a décidé d’ouvrir le bar en 1950, qui d’ailleurs à l’époque ne faisait pas encore restaurant. Et puis Brassens, qui habitait à deux pas, en a fait sa cantine. La chanson Le Bistrot, c’est d’ici qu’il parle : « la belle du bistrot », c’est ma mère et « le gros dégueulasse » c’est mon père. Mais bon, je pense qu’ils étaient tous les deux un peu amoureux de la même femme (rires).
Ils sont tous venus. Brassens, Lino Ventura, Bourvil, Alain Delon, Belmondo,… ils sont tous venus.
Déjà, ils voulaient rencontrer mon père parce qu’il faut savoir qu’à l’époque, les boxeurs, c’étaient de vraies stars. Et puis ils venaient tous prendre l’apéro ici avant d’aller se taper le meilleur couscous de Paris, qui n’était pas loin, ou d’aller manger chez Pierre Vedel, un deux étoiles.
Oui bien sûr, ce n’est plus la grande époque mais Belmondo passe encore régulièrement, il m’a même appelé pour le décès de ma mère. On est resté une heure au téléphone, à parler boxe. Et puis Renaud était encore là la semaine dernière, avec Guy Savoy.
On l’a repris en 1990 avec mon frère, à la mort de mon père. C’est à ce moment-là, comme on n’était pas trop du métier, qu’on a décidé de le fermer au public et d’en faire un lieu très secret.
On s’est dit qu’on allait tenter six mois. Bon, au début on a ramé, mais ça va, on était en famille. On ne se versait presque pas de salaire, on n’avait presque pas de frais. Et puis, on a eu la chance d’avoir l’ancien commissaire du 15ème qui est venu, qui a fait passer le mot dans les services. Du coup, on a rempli le resto avec des gars de la police et du GIGN, ça nous a permis de démarrer. Et puis, bien nous en a pris, parce que cela nous a permis d’avoir une clientèle exceptionnelle avec qui on n’a jamais d’emmerdes.
Ah oui, que des habitués ! Je ne prends quasiment pas de passage. Même si on a quelques beaux articles, la pub ne nous ramène presque rien.
Oui oui, tout à fait, on le prend. Parfois, il nous arrive des trucs exceptionnels comme un car de trente pépés et mémés qui demandent s’ils peuvent rentrer prendre des photos. Evidemment, je dis oui, si j’ai pas trop de monde. C’est un lieu incroyable, il faut qu’il vive.
Très, oui. Par exemple, la semaine prochaine on fait une émission de télé. Et puis, il y a eu quelques films tournés ici comme Un témoin dans la ville avec Ventura, Paris brûle-t-il ? et plus récemment Gainsbourg, Vie héroïque.
Ah oui, j’ai grandi dans le bar moi. Mais vu que ça fumait et ça picolait, je n’avais pas le droit de rester au moment de l’apéritif. Donc je les voyais tous arriver mais je ne pouvais pas rester, sauf quand ils venaient le midi.
Tout ! Avant c’était la campagne ici, je faisais du vélo là où maintenant il y a le périph. Mon père et Brassens avaient un potager derrière la maison. Et puis du temps où les abattoirs* étaient encore ouverts, il y avait des centaines et des centaines de chevaux qui passaient et chiaient devant, c’était vraiment la campagne. Maintenant, c’est plus bobo. Et puis, il faut savoir que dans le coin on était quatre-vingts restaurants. Aujourd’hui, ils ont quasiment tous mis la clef sous la porte ou vendu.
Notre fonctionnement. C’est un resto fabuleux. Il n’a pas besoin de personnel ! Le mec s’assoit. S’il a soif, il se sert derrière le bar. Pour les entrées, pareil. Après, ma fille vient pour le plat, on en propose trois ou quatre et puis fromage, dessert et café, le tout à 25 balles. Et puis le mec, s’il veut ramener sa bouteille je m’en fous. Comme je dis, il n’y a pas de droit de bouchon chez moi, juste tu me payes un coup. Sinon il n’y a plus moyen de toucher une bonne bouteille, maintenant, tu ne peux plus prendre de vin au resto sans te prendre une allumée !
On n’est pas riche, mais on bricole. Et puis ici c’est une philosophie, on n’est pas là pour faire du fric. Le fric on s’en fout. On est là pour bien vivre et passer des bons moments. Après, s’il en reste tant mieux, et puis sinon tant pis ! On n’a pas la mentalité restaurateur, moi tu veux un café je te le donne, je me vois pas te mettre un ticket ou te faire casquer pour un café ; une fois que t’es là, t’es là.
On a créé la simplicité et les copains, comme dirait Brassens : « les copains d’abord » ! Tu peux être le pape on s’en fout, tu n’auras jamais du luxe, ici tu te serres. Je peux te le dire, à la Saint Valentin j’ai personne moi (rires) ! A la fin, soit le mec il me dit : « putain c’était fabuleux est-ce que j’aurai le droit de revenir ? », ça c’est le top et j’ai tout gagné. Et puis bon, si le mec fait la gueule, c’est au revoir, je n’en ai pas besoin.
Si t’es un bonnard et que tu veux voir un truc hors du commun, essaie ! Mais t’es prévenu ! (rires)
Mise à jour du 1er février 2019 : Le bistrot à reçu la médaille de la Ville de Paris
*Les abattoirs de Vaugirard étaient situés à l’emplacement de l’actuel parc Georges Brassens, qui en conserve quelques éléments architecturaux. Les halles du marché aux chevaux de la rue Brancion accueillent aujourd’hui le Marché du Livre ancien.
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